Les Autrichiens ont massivement voté (environ 60% des suffrages exprimés) par référendum dimanche pour le maintien du service militaire obligatoire, rejetant en conséquence la mise en place d'une armée de métier en Autriche, une question qui divisait ce pays neutre.

Avec en arrière-plan les élections législatives d'octobre 2013, ce résultat constitue un échec pour le chancelier social-démocrate (SPÖ) Werner Faymann, le ministre de la Défense, Norbert Darabos (SPÖ), les Verts et aussi pour les quotidiens à grand tirage de la presse populaire qui tous avaient fait campagne pour une armée de métier. C'est aussi un revers pour l'influent maire de Vienne, le social-démocrate Michael Häupl, qui avait lancé l'idée de ce référendum.

En revanche, le partenaire des sociaux-démocrates dans le gouvernement de grande coalition au pouvoir depuis 2008, les démocrates-chrétiens (ÖVP), avait milité pour le service militaire obligatoire et donc la conscription.

Le secrétaire général du Parti social-démocrate, Günther Kräuter, a aussitôt déclaré que son parti «devait prendre en compte le résultat».

Près de 6,3 millions d'Autrichiens étaient appelés à voter et le taux de participation devrait s'élever à un peu plus de 50%, selon les instituts de sondage.

Au sein des pays du Conseil de l'Europe, l'Autriche reste ainsi, aux côtés de Chypre, du Danemark, de l'Estonie, de la Finlande, de la Norvège, de la Suisse et de la Turquie, un des rares pays à recourir à la conscription. Si la France est passée à une armée de métier dès 1996, plusieurs pays européens lui ont emboîté le pas au cours des dernières années, comme l'Allemagne en 2011.

Le coût d'une armée réformée, le nombre des recrues et l'impact sur les missions à l'étranger ou les secours en cas de catastrophe naturelle, ont été les principaux enjeux du débat, avec en toile de fond, la question centrale: qu'est-ce que cela impliquera pour la neutralité de l'Autriche?

Cette petite république alpine membre de l'Union européenne a toujours refusé d'entrer dans l'OTAN, l'Alliance atlantique, ainsi que, plus tard, dans des structures regroupant des pays de l'ancien bloc communiste est-européen, pour conserver sa neutralité.

Cependant, l'Autriche est engagée de longue date dans les missions de maintien de la paix de l'Organisation des Nations unies, notamment en ex-Yougoslavie (Kosovo et Bosnie) et au Moyen-Orient (Liban et Golan).

«La nature de la menace a changé, c'est la raison pour laquelle une transformation est nécessaire», expliquait le ministre de la Défense, Norbert Darabos. Selon lui, une armée conventionnelle était dépassée à l'ère du «contre-terrorisme», de la «cybercriminalité» et des «États en faillite».

En revanche, le chef d'état-major de l'armée autrichienne, le général Edmund Entacher, avait prévenu qu'une armée professionnelle aurait «irrémédiablement» conduit à «une baisse de qualité, du nombre et de capacité».

Le débat public s'était déroulé de façon a priori paradoxale: les sociaux-démocrates, historiquement favorables à la conscription, étaient, à quelques exceptions près, pour l'armée de métier et, à l'inverse, les démocrates-chrétiens, plutôt enclins à l'armée de métier, défendaient le service militaire.

Illustration du débat qui traverse tous les partis, le président de la République et chef suprême de l'armée, le social-démocrate Heinz Fischer, contrairement à son parti, s'était publiquement exprimé pour le maintien de la conscription.

En ces temps de disette dans les caisses de l'État, le coût d'une armée de métier avait également alimenté les discussions: aujourd'hui, l'Autriche consacre seulement deux milliards d'euros par an à son armée, soit 0,6% de son budget, l'un des taux les plus faibles parmi les pays de l'Union européenne.

L'Autriche compte 55 000 soldats, un chiffre qui devrait rester stable, insiste le ministère de la Défense. Chaque année, 22 000 Autrichiens effectuent un service militaire de six mois.

L'armée est également mobilisée sur le sol autrichien pour répondre aux catastrophes naturelles (inondations ou avalanches).

Les Autrichiens qui ne veulent pas faire leur service militaire, environ 14 000 chaque année, peuvent opter pour un service civique de neuf mois, travailler avec les services de secours, dans des maisons de retraite ou encore auprès de réfugiés ou de toxicomanes.