«Le "spread", qu'est-ce qu'on en a à faire ?» : Silvio Berlusconi a donné mardi le ton de la campagne électorale qui s'annonce en Italie, en fustigeant la politique «germano-centrée» de son successeur Mario Monti, qui se targue, lui, d'avoir «sauvé l'Italie du destin grec».

De bon matin mardi, les Italiens ont retrouvé le Cavaliere tel qu'ils l'avaient laissé il y a un an, s'épanchant au téléphone sur l'une des télévisions qui lui appartient. Dans le même temps, le Professore Monti, sur Rai uno, la première chaîne de télévision publique, défendait son bilan de son ton monocorde et faussement modeste.

Sur Canale Cinque, l'ancien chef du gouvernement, 76 ans, qui a annoncé samedi qu'il se présenterait l'an prochain pour tenter de reprendre les rênes du pays, a qualifié le «spread», écart entre les taux d'intérêt payés par l'Allemagne et l'Italie pour emprunter sur les marchés, d'«imbroglio» et d'«invention avec laquelle on a cherché à faire tomber une majorité élue par les Italiens et qui gouvernait le pays».

Le «spread» a frôlé les 600 points à la fin de l'ère Berlusconi pour tomber à moins de 300 il y a une semaine, avant de remonter ces derniers jours après l'éclatement de la crise politique. Mesure de la confiance des marchés, il a aussi une influence sur les conditions de financement des entreprises, a jugé utile de rappeler mardi Simon O'Connor, porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn.

Quant à la dette de près de 2000 milliards d'euros (plus de 2600 milliards de dollars), soit 120 % du PIB, elle «n'est pas aussi importante qu'on veut vous le faire croire», a assuré le magnat des médias, expliquant qu'il faudrait prendre en compte le travail au noir, encore très répandu en Italie.

Il a aussi accusé son successeur Mario Monti d'avoir fait «empirer» la situation de l'économie italienne, battant en brèche l'opinion répandue parmi les partenaires européens que l'ex-commissaire européen a au contraire assaini les finances et rétabli la crédibilité de l'Italie vis-à-vis des marchés.

L'Italie est entrée en récession à la fin de l'an dernier, et le chômage, qui avait commencé à s'amplifier ces dernières années, a atteint en 2012 un niveau record.

M. Berlusconi a aussi accusé son successeur d'avoir suivi «une politique trop germano-centrée», ce qui a provoqué l'ire du ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. «Nous n'acceptons pas qu'on fasse de l'Allemagne l'objet d'une campagne populiste», a-t-il dit.

Selon le Cavaliere, M. Monti «a amené une situation de crise, bien pire que lorsque nous étions au gouvernement».

Au même moment, son successeur disait à peu près le contraire. «L'Italie, il y a 13 mois, était dans une situation très, très difficile. Nous pouvons considérer avoir fait de très grands progrès, qui cependant ont eu un coût : à court terme, il n'y a pas eu de croissance», a-t-il reconnu.

«Je serais heureux que quelqu'un m'apprenne comment il aurait été possible de sauver financièrement l'Italie du destin grec et de la faire croître à un rythme rapide. Il aurait été opportun de trouver cette recette il y a quelques années lorsqu'il n'y avait par ailleurs pas à gérer de grandes difficultés économiques», a-t-il ajouté, dans son style alambiqué aux antipodes des formules-chocs du Cavaliere.

S'amusant de son obsession pour le «spread» - maintenant, c'est le surnom de son petit-fils à la crèche, a-t-il confié -, Mario Monti a mis en garde contre le populisme : «Il y a une tendance à sur-simplifier les choses, à présenter des solutions magiques».

Mario Monti, qui démissionnera dès le budget adopté, affirme ne pas avoir encore réfléchi à une éventuelle candidature aux législatives de l'an prochain.

Pour l'heure, c'est le chef du principal parti de gauche, Pierluigi Bersani, qui est donné vainqueur dans les sondages. En dépit de la montée du mécontentement face à la cure d'austérité, il a indiqué qu'il maintiendrait le cap des réformes.

Affirmant «soutenir ce que le gouvernement de Mario Monti a mis en place», la chancelière allemande Angela Merkel a affirmé mardi que les électeurs italiens feraient «certainement» le choix de garder leur pays «sur le bon chemin».