Quand le djihadiste Mohamed Merah a été abattu à Toulouse, en mars 2012, les autorités françaises l'avaient décrit à l'époque comme un cas d'«autoradicalisation» difficilement détectable. Plusieurs mises en garde avaient néanmoins précédé le basculement dans la violence du jeune homme de 23 ans, qui aurait d'abord été endoctriné par des membres de sa famille, relate notre correspondant.

Le cheminement de Mohamed Merah, qui a secoué la France il y a quelques mois avec une série d'attaques meurtrières contre des militaires et des écoliers juifs, a été profondément influencé par des membres de sa famille convertis au salafisme.

L'un de ses frères, Abdelkader, qu'il idolâtrait, l'aurait poussé à se radicaliser plusieurs années avant qu'il ne bascule dans la violence, en lui soumettant notamment des textes et des vidéos favorables aux actions djihadistes.

Une soeur, Souad, qui aurait déjà menacé de perpétrer un attentat suicide, l'aurait également encouragé dans cette voie et l'aurait soutenu «dans sa folie».

Une enfance marquée par la haine

Tel est, du moins, le scénario qu'avance un autre frère de Mohamed Merah, Abdelghani. Dans un livre à paraître cette semaine, il raconte le cheminement du tueur jusqu'à sa mort sous les balles des forces de l'ordre.

L'homme de 36 ans, qui s'est confié avant la sortie de l'ouvrage au quotidien Libération, affirme que les enfants de la famille ont été élevés dans une «atmosphère de racisme et de haine».

Le jeune Mohamed aurait été profondément marqué en bas âge par le divorce de ses parents et le départ de son père, un homme violent qui s'est plus tard retrouvé en prison pour trafic de stupéfiants.

Délinquance juvénile

Placé en foyer d'accueil à 8 ans, il souffre des visites irrégulières de sa mère et devient rapidement ingérable, multipliant les délits pendant que son frère et sa soeur basculent dans l'extrémisme sous l'influence de salafistes toulousains.

«Ils donnaient l'impression d'être entrés dans une secte», a notamment relaté Abdelghani Merah, qui a été poignardé à plusieurs reprises par son frère Abdelkader en 2003. Il avait signalé l'affrontement, lié en partie au fait qu'il fréquentait une femme d'origine juive, aux autorités.

Abdelkader Merah, qui est aujourd'hui mis en examen pour «complicité d'assassinat» relativement aux meurtres perpétrés par Mohamed Merah, entreprend durant cette période l'endoctrinement de son jeune frère.

Le futur tueur est aussi très lié avec un autre homme qui sera appréhendé en Syrie en 2006 alors qu'il tente d'entrer en Irak pour combattre auprès d'autres intégristes.

«C'était un binôme, il y avait une grande complicité», relate Abdelghani Merah.

«Mettre la France à genoux»

Il dit avoir constaté avec dégoût, lors d'une veillée funèbre pour Mohamed Merah, que certaines personnes félicitaient sa mère en lui disant que son fils avait réussi «à mettre la France à genoux».

Ce triomphalisme trouve écho dans un documentaire diffusé dimanche dans lequel Souad Merah se dit «fière» du fait que son frère «a combattu jusqu'au bout» et «sauté le pas» au nom de ses convictions religieuses. Le parquet de Paris a annoncé hier à ce sujet l'ouverture d'une enquête préliminaire pour «apologie du terrorisme».

Au dire de l'ancien dirigeant de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, Souad et Abdelkader Merah étaient considérés, avant la vague de meurtres, comme plus dangereux que leur jeune frère.

L'enquête en cours sur le travail des forces de l'ordre dans cette affaire indique néanmoins que des agents en poste à Toulouse ont voulu «judiciariser le statut» de Mohamed Merah dès juin 2011 en raison de son «potentiel de dangerosité élevé». La recommandation restera sans suite et la surveillance à son égard sera plutôt relâchée en février après son retour de la frontière pakistano-afghane, peu de temps avant qu'il ne passe à l'acte.

Les mêmes agents toulousains affirment que la direction des services de renseignement aurait songé à le recruter comme informateur. La DCRI assure cependant que ce ne fut pas le cas.