Deux responsables éditoriaux ont été mis sur la touche lundi matin et d'autres têtes étaient menacées à la BBC, engluée dans un double scandale de pédophilie et de dénonciation calomnieuse, après la démission du directeur général dont les indemnités de départ ajoutent à la polémique.

La BBC a annoncé lundi que sa directrice de l'Information, Helen Boaden, et le vice-directeur Stephen Mitchell, se mettraient «en congé de leurs fonctions habituelles» pendant la durée d'une enquête indépendante liée à la gestion éditoriale de l'affaire Jimmy Savile. Cet ancien animateur vedette est accusé d'avoir agressé sexuellement jusqu'à 300 enfants et adolescents, en grande majorité de jeunes filles, pendant quatre décennies.

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Ces deux responsables sont concernés par une enquête sur les raisons qui ont conduit la BBC à déprogrammer fin 2011 un reportage de l'émission-phare Newsnight levant le voile sur les accusations de pédophilie à l'égard de cette vedette du petit écran décédée l'an dernier.

Le directeur général par intérim, Tim Davie, a déploré lundi «un manque de clarté dans la chaîne éditoriale de commandement et de contrôle de BBC News», et s'est engagé à y remédier, mais a estimé qu'il était encore trop tôt pour des sanctions disciplinaires.

«Je viens de commencer ce travail. Je vais prendre un peu de temps pour examiner les recommandations (des enquêtes en cours à la BBC) et ensuite nous mettrons en oeuvre la procédure disciplinaire que nous pensons juste», a-t-il déclaré à l'antenne de la BBC.

Dévoilée début octobre par une enquête de la chaîne privée ITV, l'affaire Jimmy Savile a plongé dans la tourmente le groupe audiovisuel public, soupçonné d'avoir tenté de l'étouffer.

La crise s'est encore aggravée quand la même émission Newsnight a reconnu vendredi avoir diffusé début novembre, dans le cadre d'une affaire distincte, une enquête basée sur de fausses accusations de pédophilie à l'encontre d'un ancien responsable conservateur de l'ère Margaret Thatcher.

Bien que la chaîne n'eût pas nommément identifié ce responsable politique dans son émission, le nom de l'ancien trésorier conservateur Alistair McAlpine avait ensuite largement circulé sur l'internet.

Cet ultime développement a conduit samedi soir le directeur général George Entwistle, qui n'était en fonctions que depuis 54 jours, à jeter l'éponge.

Mais le montant de l'indemnité de départ allouée au patron sortant, qui doit empocher quelque 450 000 livres (712 000 $), soit l'équivalent d'un an de salaire, alimentait lundi la polémique. Le premier ministre David Cameron lui-même a jugé cette somme «difficile à justifier», selon Downing Street.

Le président de la Commission parlementaire chargée de la Culture et des Médias, John Whittingdale, a, lui aussi, souligné lundi que «beaucoup de gens trouveront difficile à cautionner ce montant, s'agissant d'argent de la redevance, alloué à un directeur général qui a clairement échoué».

Ces propos ajoutent encore à la pression pesant sur les épaules du président de l'organisme de contrôle de la BBC, l'ancien commissaire européen Chris Patten, confronté à des appels à la démission, même si David Cameron lui a réitéré lundi sa confiance.

La BBC a précisé lundi que la directrice de l'Information Helen Boaden serait temporairement remplacée par Fran Unsworth, et que le vice-directeur de l'Information Stephen Mitchell serait suppléé par Ceri Thomas.

De l'autre côté de l'Atlantique, Mark Thompson, le prédécesseur de George Entwistle, a pris lundi ses fonctions comme nouveau président-directeur général du New York Times. Interrogé par la chaîne ITV, il s'est dit «comme beaucoup de gens très attristé» par la crise à la BBC, mais a assuré que cela «n'affecterait en aucune manière» son nouveau travail.