Radovan Karadzic, l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie, a affirmé mardi devant les juges du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye, où il est poursuivi notamment pour génocide, avoir fait tout son possible pour « éviter la guerre ».

« Je ne devrais pas être accusé, je devrais être récompensé pour toutes les bonnes actions que j'ai faites : j'ai fait tout ce qui était humainement possible pour éviter la guerre et réduire la souffrance humaine », a-t-il déclaré calmement, lors du début de la présentation de la défense.

« Personne n'a pensé qu'il y aurait un génocide en Bosnie », a-t-il déclaré à La Haye, où siège le TPIY, ajoutant, sous les regards incrédules de mères de victimes et de survivants présents, être un homme « doux, tolérant, avec une grande capacité à comprendre les autres ».

Radovan Karadzic, 67 ans, est poursuivi pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie, entre 1992 et 1995, au cours de laquelle 100 000 personnes sont décédées.

Il doit notamment répondre du massacre de près de 8000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica, dans l'est de la Bosnie, en juillet 1995, le pire massacre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Selon l'acte d'accusation, il a tenté de « chasser à jamais les musulmans et Croates de Bosnie des territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie ».

Chevelure grise en bataille et le front barré d'une mèche indomptable, Radovan Karadzic, vêtu d'un costume bleu marine et d'une cravate rayée bleue et blanche, a ajouté avoir été « strict » avec lui-même « et les autres pour mettre en place les pouvoirs démocratiques ».

Pour se défendre, M. Karadzic dispose de 300 heures allouées par les juges, un temps identique a celui qui avait été donné à l'accusation, et compte appeler 300 témoins.

M. Karadzic, psychiatre de formation, avait été arrêté en juillet 2008 à Belgrade, où il vivait sous un faux nom et pratiquait la médecine alternative, après s'être caché pendant treize ans.

Son procès s'était ouvert en octobre 2009 et la présentation des éléments à charge avait eu lieu entre avril 2010 et mai 2012.

Des membres de l'association des « Mères de Srebrenica », ainsi que des survivants des camps de concentration installés à proximité de Prijedor, une ville du nord-ouest de la Bosnie, étaient présents à La Haye et jetaient à Radovan Karadzic des regards incrédules pendant sa déclaration.

Fikret Alic, dont la photo prise il y a 20 ans, le 5 août 1992, où apparaît une silhouette émaciée derrière les fils barbelés, avait fait le tour du monde et révélé l'existence de ces camps au coeur de l'Europe, explique à l'AFP être venu à La Haye « pas uniquement pour Radovan Karadzic, mais pour représenter toutes les personnes qui ont souffert de ses actions ».

Les associations de victimes sont en colère, après la décision en juin des juges du TPIY d'acquitter M. Karadzic des charges de génocide dans des municipalités de Bosnie entre mars et décembre 1992.

« Après 20 ans, je me sens triste parce que nous devons encore nous battre pour que soit reconnu ce qu'il s'est passé, pour pouvoir empêcher que cela recommence », a ajouté cet homme aujourd'hui bien bâti au regard malicieux, mais marqué par les souffrances vécues dans les camps.

Après sa déclaration, M. Karadzic appellera son premier témoin, Andreï Demurenko, un colonel russe de la force de l'ONU qui était le chef d'état-major en 1995 pour le secteur de Sarajevo, assiégée par les forces serbes de 1992 à 1995.

Le président grec Carolos Papoulias, ministre des Affaires étrangères de son pays de 1993 à 1996, figure également sur la liste des témoins et pourrait témoigner en mars 2013.

Le TPIY, qui siège à La Haye, a ouvert mardi également son dernier procès, contre Goran Hadzic, l'ancien responsable des Serbes de Croatie pendant la guerre de Croatie (1991-1995).

L'alter ego militaire de M. Karadzic, Ratko Mladic, 70 ans, comparaît également devant le TPIY pour avoir, selon l'accusation, tué, violé, torturé et détenu des milliers de musulmans et Croates dans plusieurs municipalités de Bosnie et pour le massacre de Srebrenica.

Hadzic devant le TPIY

L'ancien responsable des Serbes de Croatie pendant la guerre de Croatie (1991-1995), Goran Hadzic, accusé de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, est apparu mardi devant les juges pour l'ouverture de son procès, le dernier en première instance devant le TPIY.

« Ceci est la dernière déclaration liminaire de l'accusation dans le dernier procès à être tenu devant ce tribunal », a déclaré Douglas Stringer, du bureau du procureur, à l'ouverture du procès.

« Mais les crimes dont vous allez entendre parler (...) étaient parmi les premiers à être commis pendant les longues années de conflit et de désespoir qui ont vu la mort d'un pays culturellement riche et diversifié, appelé la Yougoslavie », a-t-il ajouté.

Goran Hadzic, 54 ans, a été de février 1992 à décembre 1993 l'éphémère « président » de la « République serbe de Krajina », qui représentait environ un tiers du territoire de la Croatie.

Le TPIY reproche notamment à M. Hadzic son implication présumée dans les meurtres de centaines de civils croates et la déportation de dizaines de milliers de Croates et autres non-serbes, dans le but de créer un État serbe en Croatie.

Il doit répondre de 14 chefs d'accusation pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis pendant la guerre de Croatie, dont le tristement célèbre massacre de Vukovar, où 264 personnes ont été abattues après s'être réfugiées dans un hôpital.

Il est également accusé d'être responsable, en octobre 1991, du massacre de civils croates qui avaient été forcés de marcher dans un champ de mines à proximité de la ville de Lovas, dans l'est de la Croatie.

« Cinquante prisonniers ont été appelés et conduits en dehors de la ville dans un champ de trèfle où des mines avaient été placées », a expliqué M. Stringer, alors que Goran Hadzic, impassible, écoutait sa déclaration.

« Quand les prisonniers ont atteint le champ, ils ont été forcés par des hommes armés de se tenir les mains, de marcher à travers le pré et de faire aller leurs jambes sur le côté pour localiser les mines et les désarmer », a-t-il raconté.

« Quand la première mine a explosé, plusieurs soldats serbes ont commencé à tirer sur les prisonniers présents dans le champ et quand c'était fini, 21 hommes avaient été tués », a-t-il précisé, soulignant que « les hommes ont été enterrés dans des fosses communes ».

Arrêté dans les montagnes du nord de la Serbie en juillet 2011 après 7 ans de fuite, près de deux mois après l'arrestation de l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic, en essayant de vendre un tableau de Modigliani, Goran Hadzic était le dernier des 161 inculpés à être recherché par le TPIY, fondé en 1993.