Les autorités russes ont procédé à une série sans précédent de perquisitions contre l'opposition lundi à Moscou, renforçant ainsi la pression sur les contestataires à la veille d'une manifestation mardi à partir de 8 h GMT (4 h, heure de Montréal) dans la capitale contre le président Vladimir Poutine.

Les perquisitions, une dizaine au total, ont été menées notamment au domicile du blogueur anti-corruption Alexeï Navalny, du leader du Front de gauche Sergueï Oudaltsov, du dirigeant du mouvement Solidarité Ilia Iachine, et de la présentatrice vedette de la télévision Xénia Sobtchak.

Des policiers mitraillette en bandoulière interdisaient l'entrée des immeubles où se déroulaient les perquisitions, selon des journalistes de l'AFP sur place. L'avocate de Sergueï Oudaltsov, Violetta Volkova, a indiqué à la radio Écho de Moscou que la police l'a empêchée d'assister à la perquisition.

La police a également pris position devant le domicile de Boris Nemtsov, un ancien vice-premier ministre du président Boris Eltsine, apparemment visé lui aussi, mais M. Nemtsov ne se trouvait pas chez lui, a précisé une responsable du mouvement Solidarité, Olga Chorina, à Écho de Moscou.

Des policiers encagoulés et armés de mitraillettes bloquaient aussi lundi après-midi l'accès au bureau de l'organisation anti-corruption d'Alexeï Navalny, a indiqué le journal Novaya Gazeta sur son site.

« C'est une tentative de torpiller la manifestation de demain et de faire en sorte que moins de gens y participent », a estimé l'opposant Ilia Ponomarev, du mouvement Pour les Droits de l'homme, cité par Interfax.

« Les perquisitions chez les opposants à la veille du 12 juin, de même que la nouvelle loi (sur les manifestations) témoignent du renforcement des radicaux au sein du pouvoir », a estimé l'ancien ministre des finances russe, Alexeï Koudrine, cité par l'agence Itar-Tass.

Des perquisitions ont également eu lieu au domicile de l'écologiste Evguenia Tchirikova et de trois militants de l'opposition, Alexeï Sakhnine, Mikhaïl Maglov et Maria Baronova, ainsi que chez les parents de Sergueï Oudaltsov et de ceux d'Ilia Iachine, a indiqué Novaya Gazeta.

Le comité d'enquête a indiqué que ces opérations étaient liées à une enquête en cours sur la manifestation de l'opposition du 6 mai qui s'était terminée par « des désordres massifs ».

À l'issue de cette manifestation, qui avait rassemblé plus de 20 000 personnes, des heurts avaient éclaté faisant plusieurs blessés parmi les manifestants et les policiers. Plusieurs centaines de personnes avaient alors été brièvement interpellées ainsi que les jours suivants, alors que des opposants organisaient des sit-in dans le centre de Moscou.

Accusés d'avoir participé aux troubles du 6 mai, douze manifestants ont été arrêtés et risquent jusqu'à 10 ans de détention. Selon l'opposition, des provocateurs au service de la police avaient été à l'origine des heurts.

Toutes les personnes visées par les perquisitions lundi sont convoquées mardi pour interrogatoire au comité d'enquête, a précisé le porte-parole du comité, Vladimir Markine.

Cette série de perquisitions témoigne apparemment de la volonté des autorités d'accroître la pression sur l'opposition, quelques jours après l'adoption par la Douma (chambre basse du Parlement) d'une loi controversée sur les manifestations.

Ce texte, promulgué vendredi dernier par Vladimir Poutine, augmente considérablement les amendes pour ceux qui enfreignent la loi - déjà considérée comme restrictive par l'opposition - concernant les manifestations.

Les amendes prévues en cas de rassemblement non autorisé ou de troubles à l'ordre public lors de manifestations autorisées vont jusqu'à 300 000 roubles (environ 9400 $) pour des personnes physiques et plus de 32 000 $ pour des organisations politiques.

L'Union européenne s'est inquiétée « des possibles implications de cette loi » qui a été dénoncée par l'opposition russe. Cette loi « équivaut à une interdiction des rassemblements politiques », a estimé le chef du parti d'opposition Iabloko, Sergueï Mitrokhine.

Réélu en mars dernier pour un troisième mandat présidentiel, après ceux effectués de 2000 à 2008 suivis par un intermède de quatre ans comme premier ministre, M. Poutine est confronté à une contestation sans précédent depuis son arrivée au pouvoir.

Les premières grandes manifestations ont commencé en décembre dernier, après la victoire du parti de Vladimir Poutine aux législatives au cours desquelles l'opposition avait dénoncé des fraudes massives.