La montée en puissance du tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, phénomène de la présidentielle française, est source croissante d'embarras pour le socialiste François Hollande qui appelle avec insistance au vote utile, à un peu plus de deux semaines du premier tour.

M. Hollande, qui voit sa cote de popularité s'effriter même s'il est toujours donné gagnant au second tour face au président sortant Nicolas Sarkozy (54% contre 46%), avait vendredi à son agenda plusieurs rendez-vous dans des banlieues populaires, là où les ravages de la crise économique conduisent les habitants à choisir les votes extrêmes ou à s'abstenir.

À Vaulx-en-Velin (près de Lyon) vendredi, il s'est engagé à renforcer les politiques publiques dans ces quartiers «en matière d'éducation, de services publics, de logement, d'emploi».

«Moi mon devoir, au-delà de partager les colères, les indignations, c'est de faire gagner la gauche (...) Je suis sérieusement de gauche, mais je suis pour la gauche sérieuse», a-t-il martelé jeudi soir lors d'une rencontre à Nîmes (sud).

M. Mélenchon, désormais bien installé dans le rôle du troisième homme derrière François Hollande et Nicolas Sarkozy, réussissait au même moment une démonstration de force en rassemblant plusieurs dizaines de milliers de partisans dans le centre de Toulouse (sud-ouest).

Le candidat du Front de Gauche, allié au Parti communiste, a fait vibrer la foule en demandant «des comptes» au président sortant pour «le malheur» qu'il a répandu pendant cinq ans, et en opposant «le droit de vivre» au «réalisme des ordres comptables».

«Notre programme n'est pas réaliste d'après vos ordres comptables, mais il est réaliste de par les nôtres, et les nôtres s'appellent le droit de vivre!», a-t-il lancé. Parmi les mesures qu'il défend figurent le retour à la retraite à 60 ans, le remboursement à 100% des dépenses de santé ou la création d'une taxe de 10% sur les revenus financiers.

Avec 13 à 15% d'intentions de vote selon des sondages qui le donnent tous en hausse, M. Mélenchon éclipse les autres challengers, le centriste François Bayrou et surtout la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, à laquelle il dispute les votes populaires. Certains se prennent à rêver et le voient supplanter M. Hollande au premier tour.

M. Mélenchon, un ancien dirigeant socialiste, a donné une nouvelle jeunesse à la culture communiste qui a dominé pendant plusieurs décennies la gauche française, en la mariant à l'affirmation d'une identité républicaine, comme il l'a fait jeudi en exaltant les traditions «universalistes» de la France et «l'insurrection citoyenne».

Mais l'exigence montante dans l'électorat de gauche d'une rupture avec la logique économique libérale est aussi une pierre dans le jardin de François Hollande, qui s'est engagé, comme M. Sarkozy, à ramener les comptes de la France à l'équilibre.

Le président candidat s'est gaussé jeudi d'un François Hollande «pris en otage par un M. Mélenchon qui fait une pression chaque jour plus forte». Il a assuré qu'avec un tel allié, il ne faudra que «deux jours pour mettre par terre cinq années d'efforts».

Le centriste François Bayrou, dont la campagne patine, s'est pour sa part affligé vendredi dans quotidien Le Monde de «l'égarement dramatique (...) d'une partie importante de la population française», qui croit «que le grand soir est possible et qu'il suffirait de le décider pour qu'on ne rembourse pas la dette, ou pour que tous les revenus augmentent».

Pris sur deux fronts, François Hollande a réaffirmé dans le magazine Paris Match vouloir «mettre fin aux privilèges», mais en rassurant aussi sur les craintes, dont plusieurs médias étrangers se sont fait l'écho, d'une sanction brutale de la France par les marchés au lendemain de son élection.

«J'ai pris un engagement. La France rétablira ses comptes et maîtrisera sa dette. L'équilibre sera atteint en 2017 grâce à une bonne gestion et au retour de la croissance», a-t-il affirmé.