Le procès en appel de l'écrasement du Concorde d'Air France, qui va opposer durant deux mois la compagnie française à sa concurrente américaine Continental Airlines, s'est ouvert jeudi à Versailles.  

Le supersonique, longtemps symbole de luxe, d'avancée technologique et de fiabilité, s'était écrasé le 25 juillet 2000 quelques minutes après son décollage de l'aéroport parisien Roissy-Charles de Gaulle.

Les 109 passagers et membres d'équipage avaient été tués, ainsi que quatre personnes au sol.

À l'issue du premier procès, en 2010, Continental Airlines avait été désignée comme seule responsable.

Le tribunal correctionnel de Pontoise (nord de Paris) avait jugé qu'un DC10 de la compagnie américaine avait déclenché l'accident, en perdant une lamelle d'une quarantaine de centimètres sur la piste de décollage du Concorde, en partance pour New York.

Comme l'enquête technique quelques années plus tôt, la justice avait conclu que le Concorde avait roulé sur cette pièce et qu'un pneu avait éclaté, perforant le réservoir et provoquant l'inflammation du kérosène.

«Le dossier est vicié depuis l'origine», a affirmé devant la presse Me Olivier Metzner, avocat de Continental, à son arrivée au Palais de Justice.

«Air France, partie civile, aurait pu se retrouver sur le banc des prévenus si (certains) experts n'avaient pas été des anciens salariés» de la compagnie, a-t-il ajouté.

«Continental essaie de rejeter la responsabilité sur Air France», a riposté Me Fernand Garnault, avocat de la compagnie française. «Nous sommes ici pour résister aux prétentions de Continental de voir Air France condamnée, médiatiquement du moins, à sa place».

Pour lui, «il y a bien un lien de cause à effet entre cette fameuse lamelle et l'accident».

En 201O, Continental Airlines avait été condamnée à une amende de 200 000 euros (263 000 $) et à verser un million d'euros (1,3 million de dollars) de dommages et intérêts à Air France. Un de ses employés avait écopé de 15 mois de prison avec sursis pour avoir mal fixé la pièce incriminée, son chef d'équipe étant relaxé.

Le tribunal avait écarté la thèse défendue par Continental Airlines, selon laquelle l'avion aurait pris feu avant même d'avoir roulé sur la pièce incriminée.

Le premier procès avait fait «de nombreuses impasses», a affirmé Me Metzner, espérant que celui-ci se déroulerait «sur des bases plus saines».

Il va notamment faire citer 18 témoins ayant «vu le Concorde en feu avant la lamelle», a-t-il dit.

Trois anciens cadres français de l'aéronautique avaient été relaxés en première instance, le tribunal ayant jugé qu'ils n'avaient pas commis de «faute caractérisée» dans le suivi du supersonique, affecté par des incidents de pneus à répétition durant sa carrière.

Tous doivent être rejugés jusqu'au 9 mai, le parquet ayant fait appel de l'ensemble du jugement.

Les avocats d'Henri Perrier, ex-directeur du programme Concorde chez Aérospatiale (aujourd'hui fondu dans EADS), devaient demander un renvoi du procès, leur client ne pouvant y assister pour raisons de santé.

Un procès sans lui est «inconcevable», a déclaré devant la presse l'un de ses avocats, Me Christian Buffat.

Enfin, les avocats de deux prévenus français, Jacques Herubel, ancien ingénieur chez Aérospatiale, et Claude Frantzen, ex-cadre de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), contestent le fait que le parquet de Pontoise ait fait appel de la relaxe de leurs clients, alors que celle-ci était conforme aux réquisitions de ce même parquet.