Quelques minutes avant la collision fatidique avec l'écueil, le Costa Concordia était attendu avec impatience par Patrizia Tievoli, enseignante de l'île du Giglio. «Sous peu passera tout près le Concordia de Costa Crociere», a écrit Mme Tievoli sur sa page Facebook à 21h08 vendredi soir.

Mme Tievoli est la soeur du maître d'hôtel du paquebot italien, Antonello Tievoli. Selon plusieurs médias italiens, M. Tievoli avait demandé une faveur au capitaine du navire: un salut, ou inchino, à ses vieux parents.

«Antonello, viens voir, on est sur ton Giglio», a dit sur l'interphone le commandant Francesco Schettino, affirme le quotidien Tirreno de Livourne. Quelques instants plus tard, le Costa Concordia a heurté l'écueil qui allait causer le naufrage. Le commandant Schettino, dans son désir d'honorer les parents du maître d'hôtel, était passé trop près de l'île italienne.

Trois jours après l'accident, qui a fait 6 morts et 29 disparus, les indices pointent de plus en plus vers une «erreur humaine» du commandant Schettino. La société qui l'emploie affirme qu'il a dévié de sa trajectoire sans autorisation. Les autorités sont de plus en plus formelles quant à sa culpabilité.

Pendant ce temps, des voix se sont élevées hier pour souligner le bon travail de l'équipage. La société Costa Crociere a déclaré que l'évacuation avait été menée avec «héroïsme».

Exercices d'évacuation

Un Montréalais qui a longtemps travaillé sur des navires de croisière a tenu à joindre La Presse pour se porter lui aussi à la défense de l'équipage. Selon Stéphane Richard, qui a été saxophoniste sur de nombreux paquebots de 1995 à 2005, le bilan du naufrage aurait pu être beaucoup moins lourd si des règles de sécurité plus strictes avaient été suivies.

«Au Canada et aux États-Unis, on fait un exercice d'évacuation du navire avant qu'il quitte le port, dit M. Richard. En Europe, certaines entreprises acceptent que l'exercice ait lieu dans les 24 heures suivant le départ. Dans le cas du Costa Concordia, il n'y avait pas encore eu d'exercice. Comme c'est une société au rabais, il y avait beaucoup de gens qui n'avaient jamais fait de croisière. Ils ne savaient pas, par exemple, que la chaloupe d'évacuation se trouvait du même bord que la cabine. Selon moi, les victimes ne sont pas attribuables à l'accident, mais à l'absence d'exercice.»

M. Richard a été sur plusieurs navires ayant connu des avaries, dont un en Alaska en 1995 - un événement qui avait entraîné la mise en place de la règle des exercices avant le départ du port. «Mais jamais je n'avais vu un navire couché sur le fond comme ça.» Selon lui, lorsqu'il y a évacuation, l'équipage à bord est presque toujours à la hauteur. «Quand il y a des problèmes, c'est à cause de l'entreprise. En 1995, en Alaska, la société coupait les coins ronds et a refusé à plusieurs reprises d'évacuer le navire, comme le recommandait la Garde côtière. Finalement, il n'y a pas eu de morts, mais c'était une entreprise qui coupait les coins ronds.»





Le capitaine dans la tourmente

Le capitaine Francesco Schettino est au coeur de la controverse en Italie. Sa page Facebook est inondée de commentaires négatifs. «Je suis allée sur son navire l'an dernier, il passait son temps au bar à chasser les pitounes», écrit ainsi une Italienne. De son côté, le Daily Mail de Londres fait état de témoignages selon lesquels M. Schettino se trouvait au bar peu avant la collision.

Le quotidien romain Repubblica a quant à lui trouvé une entrevue sur la sécurité maritime accordée par M. Schettino à un magazine spécialisé tchèque, l'an dernier. Il y a affirmé que la sécurité des passagers passait «avant tout». Mais il a aussi avoué ceci: «J'aime quand on sort des procédures standards.»

Les grands naufrages

1912 : Le Titanic coule près de Terre-Neuve après avoir heurté un iceberg, 1523 des 2228 passagers se noient.

1914 : Le paquebot Empress of Ireland entre en collision avec un cargo dans le fleuve Saint-Laurent, 1012 des 1477 passagers se noient.

1987 : Le traversier Dona Paz coule après avoir heurté un pétrolier aux Phillipines. Les 4375 passagers meurent, ce qui en fait la pire tragédie navale en temps de paix.

1994 : Le ferry Estonia coule dans une tempête au large de la Finlande, 852 des 989 passagers meurent.

2008 : Le traversier Princess of the Stars coule dans un typhon aux Phillipines, 1026 des 1414 passagers périssent.

Source : The National Post