Les deux finalistes pour la primaire socialiste en France, François Hollande et Martine Aubry, ont débattu mercredi soir parfois vivement à la télévision, cherchant à afficher des différences de personnalité, faute de vraies divergences de fond, avant le second tour dimanche.

Pendant une heure et demi, les deux finalistes, qui aspirent l'un et l'autre à représenter la gauche modérée à l'élection présidentielle d'avril 2012 face à Nicolas Sarkozy, ont tenté de montrer leurs différences de tempérament, sans franchir de ligne jaune dans cet exercice inédit jusqu'ici maîtrisé par les socialistes.

Devancée de 9 points par François Hollande au premier tour (39% contre 30%) où plus de 2,6 millions d'électeurs de gauche se sont déplacés, Martine Aubry s'est montrée la plus aggressive, insistant sur «l'importance de l'expérience» - elle fut numéro deux du gouvernement de Lionel Jospin entre 1997 et 2000 alors que son rival n'a jamais été ministre - et sa «constance».

«On a confiance en moi parce que je suis claire. François Hollande a changé de position sur certains points. Il a le droit, il faut que les Français le sachent», a-t-elle attaqué, en plaidant de nouveau pour une «gauche forte».

Souvent attaqué par le camp Aubry pour sa «mollesse» supposée, M. Hollande a répliqué qu'il ne voulait pas d'une «gauche dure».

«On sort de cinq ans d'une présidence brutale. Nous serions, nous, une candidature sectaire? Je ne le veux pas. Je pense que le pays a besoin d'être apaisé», a-t-il lancé.

Les deux rivaux --elle  61 ans, lui 57 ans--  qui ont grandi en politique à l'ombre de Jacques Delors, l'ancien président de la Commission européenne et père de Martine Aubry, ont certes promis de se soutenir mutuellement après le second tour mais ont eu du mal à cacher leur peu d'atomes crochus

«On a toujours eu avec François des relations amicales et franches», a-t-elle dit assez sèchement. François Hollande a poursuivi sans enthousiasme : «Je connais Martine depuis longtemps, nous avons toujours veillé à avoir du respect». Ils ont semblé exclure de devenir le Premier ministre de l'autre.

En revanche sur le fond, au terme d'un débat parfois technique, ce sont souvent les convergences qui sont apparues sur la réduction des déficits, la réforme fiscale, l'aide à la Grèce, le droit de vote des immigrés aux élections locales ou les négociations d'adhésion de la Turquie («ne fermons pas la porte»).

Si Martine Aubry a tenté de créer des différences sur le rythme du désendettement ou le recrutement de professeurs, elles sont apparues un peu artificielles.

Pour le politologue, Jérôme Sainte-Marie, de l'institut CSA, «le débat a montré qu'on est plus dans un changement de personnes». Les deux ont «montré une grande connaissance et une grande compétence sur les dossiers abordés».

Le duel était particulier scruté pour les ouvertures que feraient les candidats aux électeurs d'Arnaud Montebourg, résolument à gauche et chantre de la démondialisation, dont le score (17%) a constitué la véritable surprise de ce scrutin inédit.

Arnaud Montebourg n'a pour l'instant donné aucune consigne mais a demandé que les deux candidats lui fassent des réponses dans quatre domaines: contrôle du système financier, protectionnisme industriel, instauration d'une République moins présidentielle et lutte contre la corruption.

Les deux candidats lui ont apporté des réponses assez similaires, se déclarant favorables à une entrée de l'Etat au conseil d'administration des banques.

Tous deux ont refusé de reprendre le mot protectionnisme: Mme Aubry a parlé des «dégâts du libre échange», d'«une régulation de la mondialisation» et plaidé pour le «juste échange». François Hollande s'est dit favorable à «l'économie ouverte, pas l'économie offerte».

Selon un sondage du Figaro, les électeurs d'Arnaud Montebourg se reporteraient de façon presque égale entre les deux finalistes: 45% pour François Hollande, 48% pour Martine Aubry.

Avant le débat, François Hollande avait en revanche reçu le soutien crucial de Ségolène Royal qui a rassemblé moins de 7% des voix sur son nom dimanche.

Mme Royal, qui fut la candidate de la gauche en 2007, a appelé à «amplifier l'avance» de M. Hollande qui est également son ancien compagnon et le père de ses quatre enfants. Celui-ci a salué «l'élégance et la responsabilité» de son ex-compagne.