L'ancienne première ministre et opposante Ioulia Timochenko a été placée vendredi en détention provisoire par un tribunal de Kiev où elle est jugée pour abus de pouvoir, un coup de théâtre au procès de l'égérie de la Révolution orange pro-occidentale en 2004.

Le juge Rodion Kireev a donné satisfaction au parquet qui avait réclamé l'incarcération de Mme Timochenko en raison de violations répétées des injonctions du tribunal.

Immédiatement après cette décision, l'opposante a demandé à ne pas être menottée dans la salle d'audience et a salué de la main ses soutiens.

Elle a ensuite été évacuée par des policiers, et Mme Timochenko a tout de même vu ses poignets entravés.

Des partisans de l'ex-premier ministre dans la salle ont aussitôt crié: «Honte!», «Honte!». A l'extérieur du bâtiment, une cinquantaine de ses sympathisants ont tenté de bloquer le passage du fourgon cellulaire, certains s'allongeant devant le véhicule.

Quelque 200 policiers anti-émeutes ont alors été déployés. Ils ont encerclé la camionnette qui a pu rejoindre au pas l'avenue centrale de Kiev, Khrechtchatik, avant de prendre la direction d'un centre de détention provisoire de la capitale.

Peu avant l'arrestation, le premier ministre ukrainien, Mykola Azarov, a livré un témoignage à charge contre l'accusée au cours d'une audition qui n'avait pas été annoncée au préalable.

Pendant que M. Azarov s'exprimait devant le tribunal, Mme Timochenko a lancé: «Vous êtes un vieux corrompu qu'on connaît de longue date et qui n'a jamais répondu de ses actes!».

Après cette déclaration, la procureure Lilia Frolova s'est à nouveau plainte du comportement de Mme Timochenko, comme lors de précédentes audiences, et a requis pour la deuxième fois en 15 jours son placement en détention. La première requête avait été rejetée par le tribunal la semaine dernière.

Ioulia Timochenko est accusée d'avoir outrepassé ses pouvoirs de premier ministre en 2009 en autorisant, sans l'approbation du gouvernement, la signature de contrats sur l'importation de gaz russe à un prix trop élevé et donc très désavantageux pour Kiev.

L'opposante a dénoncé sans relâche des poursuites politiques au cours du procès qui s'est ouvert le 24 juin et a été critiqué dès le début par les États-Unis et l'Union européenne.

De son côté, le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a fait savoir qu'il n'avait «rien à voir» avec l'incarcération de l'opposante, selon son porte-parole, cité par Interfax-Ukraine.

Lors de l'audience, M. Azarov a été interrogé sur les contrats gaziers de 2009 signés par Mme Timochenko et le premier ministre russe, Vladimir Poutine.

Le chef du gouvernement ukrainien a expliqué avoir demandé plusieurs fois à M. Poutine comment ces «contrats peu avantageux pour l'Ukraine» ont pu être conclus.

«Il m'a répondu qu'il ne comprenait pas lui-même et que ce serait mieux de demander cela aux responsables ukrainiens, qui sont censés représenter les intérêts de l'Ukraine», a déclaré M. Azarov, renvoyant ainsi la responsabilité sur Mme Timochenko.

Selon l'accusation, ces accords ont causé à l'Ukraine des pertes de plus de 1,5 milliard de hryvnias (environ 130 millions d'euros), et le gouvernement ukrainien cherche désormais comment réviser ces contrats.

L'ex-premier ministre était jusqu'ici placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter Kiev.

En cours d'audience, Mme Timochenko a envoyé des messages à foison diffusés sur Twitter, suggérant à Mykola Azarov de passer «un IRM» et de boire «une tisane au tilleul» pour se calmer.

Après la demande de son placement en détention, elle a ironisé sur le même site internet: «Allons-y maintenant pour une motion d'exécution par balle, donnez (à la procureure) un revolver».

La prochaine audience du procès est fixée à lundi, 07h00 GMT.