Les trois grands partis britanniques présentaient mercredi un front uni exceptionnel pour exiger l'abandon du projet de rachat de BSkyB par le groupe Murdoch -au coeur d'un retentissant scandale d'écoutes- pour éviter l'extension de son empire et de son emprise.

L'union sacrée scellée mardi soir entre le premier ministre conservateur David Cameron, le vice-premier ministre libéral-démocrate Nick Clegg, et le chef du parti travailliste Ed Miliband, témoigne de l'ampleur de la révulsion suscitée par la révélation de pratiques journalistiques illégales, ou contraires à la déontologie.

Pour autant, la motion inscrite à 15h GMT (11h, heure de Montréal) à l'agenda de la chambre des Communes est hautement symbolique, car sans valeur légale contraignante.

Le projet ultra-controversé de rachat de l'intégralité du bouquet de chaines par satellite BSkyB, pour une dizaine de milliards d'euros (environ 13,5 milliards de dollars), est au coeur de la stratégie de conquête du magnat australo-américain Rupert Murdoch.

À ce jour, le rachat est reporté sine die, mais pas annulé.

Le gouvernement de coalition des conservateurs et des «Lib-Dems», qui s'apprêtait à donner son feu vert, a déféré le dossier politiquement explosif devant la commission nationale de la concurrence.

Le scandale des écoutes a débuté en 2005. Il concernait quelque 4000 personnes, dont des membres de la famille royale, politiciens et célébrités. Mais l'annonce que la messagerie d'une fillette disparue puis assassinée avait été piratée par le tabloïd News of the World (NotW) a suscité un tollé général.

Le Parlement s'est saisi à plusieurs titres de l'affaire. La commission des médias a ainsi demandé à entendre mardi prochain Rupert Murdoch, président de News Corp, et les deux principaux dirigeants de sa division britannique New International: son fils James, et Rebekah Brooks, respectivement président et directrice générale.

News International s'est dit «prêt à coopérer». Cependant, les Murdoch père et fils peuvent décliner l'invitation, arguant de leur nationalité américaine. Étant Britannique, Mme Brooks peut en revanche difficilement s'y soustraire.

David Cameron a promis de détailler mercredi devant les députés son projet de création de deux commissions: la première pour enquêter sur le scandale des écoutes sous la houlette d'un juge; la seconde pour déterminer les réformes à apporter à l'instance de contrôle de la presse, jusqu'ici auto-régulatoire et passablement laxiste, au nom du sacro-saint droit du public à être informé.

L'union sacrée a cependant ses limites. À la faveur de la crise, le chef du Labour Ed Miliband a considérablement renforcé sa position, après neuf mois de débuts jugés peu convaincants.

Le scandale embarrasse au contraire M. Cameron. Le groupe Murdoch a soutenu sa campagne électorale victorieuse en 2010, après avoir lâché le Labour. Et un ex-rédacteur en chef de NotW incriminé par la police, Andy Coulson, a été son directeur de la communication jusqu'à sa démission précipitée, en janvier dernier.

Il déstabilise par ailleurs News Corp, dont les actions ont chuté de quelque 15%, alors que l'influent président de la commission du commerce au Sénat américain, Jay Rockfeller, a demandé l'ouverture d'une enquête sur les pratiques éditoriales du groupe aux États-Unis.

M. Murdoch a déjà décidé la fermeture le week-end dernier du dominical NotW par qui le scandale est arrivé. Selon le Wall Street Journal, qui appartient au groupe News Corp, il envisagerait désormais la vente de ses autres journaux britanniques, Times, Sunday Times et Sun. Les repreneurs potentiels sondés n'auraient pas immédiatement témoigné d'intérêt.

Mais nombre d'experts relèvent que des hommes d'affaires en quête de «trophy asset», un trophée synomyne d'influence, pourrait se montrer intéressés.