Si l'aile dure de la majorité gouvernementale a le dernier mot, il ne sera bientôt plus possible pour un Français d'être aussi citoyen d'un autre pays.

Les membres de la Droite populaire, qui regroupe une cinquantaine de députés de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), ont plaidé pour l'abolition de la «double nationalité» la semaine dernière lors d'une rencontre avec le président Nicolas Sarkozy.

«Renforcer la cohésion nationale»

Selon le député Christian Vanneste, le président s'est montré «tout à fait favorable» à ce que les élus aillent «très loin dans la réforme de la nationalité» de manière à renforcer le sentiment de cohésion nationale. M. Vanneste a indiqué du même souffle que le groupe parlementaire de droite est «en avance» sur le Front national à cet égard.

Dans un geste inusité, Marine Le Pen, chef du Front national, a écrit directement aux députés de l'Assemblée nationale la semaine dernière pour leur demander d'interdire la double nationalité.

Les Maghrébins dans la mire

«La multiplicité des appartenances à d'autres nations contribue aujourd'hui, et d'une manière de plus en plus préoccupante, à affaiblir chez nos compatriotes l'acceptation d'une communauté de destins et par là même à miner les fondements de l'action de l'État», a-t-elle écrit. Elle s'inquiète particulièrement du nombre de citoyens franco-algériens dans l'Hexagone.

Cette «double allégeance» pourrait devenir «explosive», selon elle, si la France devait intervenir militairement en Algérie comme elle le fait actuellement en Libye.

Marine Le Pen s'offusque aussi du fait que des jeunes d'origine maghrébine brandissent régulièrement le drapeau d'un autre pays que la France lors de matchs sportifs internationaux. Une controverse avait éclaté en mars après que, dans le Sud, le drapeau de la France placé devant une mairie eut été remplacé par celui de l'Algérie.

La réforme que demande le Front national figurait dans un amendement proposé à l'automne par la Droite populaire, qui voulait que «l'acquisition de la nationalité française soit subordonnée à la répudiation de toute autre nationalité». Selon Christian Vanneste, il avait été retiré pour ne pas «embarrasser le gouvernement».

Des droits limités?

Un autre élu de la Droite populaire est revenu à la charge il y a un mois lorsque la Fédération française de football s'est retrouvée au coeur d'une controverse ciblant des cadres soupçonnés de vouloir limiter le nombre de joueurs à double nationalité.

Le député Claude Goasguen a déclaré qu'il fallait aller vers une «limitation de la double nationalité». Selon lui, les gens devraient choisir entre deux nationalités, faute de quoi on pourrait limiter leurs droits politiques, par exemple en matière de vote.

L'entourage du président, sans aller jusqu'à encenser l'approche préconisée par la Droite populaire, laisse la porte ouverte à une éventuelle réforme. Henri Guaino, conseiller spécial du président, a ainsi déclaré il y a quelques jours qu'il «n'était pas illégitime de discuter de cette question».

Le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, assure de son côté que le sujet sera «certainement» discuté à un prochain congrès du parti.

Quelques voix dissidentes se sont fait entendre à droite relativement au projet de réforme, décrié par la gauche comme une tentative de séduction de l'électorat d'extrême-droite.

L'ex-ministre de l'Immigration Éric Besson a indiqué hier sur les ondes de LCI qu'une réforme interdisant la double nationalité serait très difficile à appliquer, notamment parce qu'elle serait contraire à la loi de plusieurs pays.

La secrétaire d'État à la jeunesse, Jeannette Bougrab, y est aussi opposée. «Nous avons un certain nombre de conventions avec des États. Parfois, c'est possible d'être binational, parfois non. Je pense que cela appartient aux gens de choisir», a-t-elle déclaré.