L'ex-Premier ministre français Dominique de Villepin, ennemi à droite de Nicolas Sarkozy, était de nouveau jugé lundi à Paris pour le dossier Clearstream, une affaire présumée de machination politique dont le but aurait été de nuire au président français.

Seize mois après avoir été relaxé à l'issue d'un premier procès, Dominique de Villepin comparaît en appel jusqu'au 26 mai, quatre semaines à hauts risques pour son avenir politique, celui-ci ambitionnant d'être candidat à l'élection présidentielle de l'an prochain.

Dans ce dossier, on reproche à Dominique de Villepin, ainsi qu'au mathématicien Imad Lahoud et à l'ancien dirigeant du groupe européen EADS Jean-Louis Gergorin, d'avoir falsifié des listings bancaires émanant de la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream, afin de faire croire que plusieurs personnalités, dont Nicolas Sarkozy, détenaient des comptes occultes à l'étranger.

Dans cette obscure machination, qui remonte au début des années 2000, il s'agissait de faire croire que ces personnalités avaient reçu des pots-de-vin sur des ventes d'armements et de discréditer Nicolas Sarkozy avant la présidentielle de 2007.

C'est d'Imad Lahoud que pourraient venir de nouveaux éléments dans ce deuxième procès. Le mathématicien, qui reconnaît être l'auteur des faux listings informatiques, semble aujourd'hui décidé à partager la responsabilité de l'affaire avec ses deux co-inculpés.

«Jean-Louis Gergorin diminue son rôle», mais «c'était mon patron, c'était le numéro deux d'EADS !», a-t-il déclaré lundi à la cour, affirmant avoir falsifié les listings à sa demande, puis menti au cours de l'enquête. «Il fallait tout nier pour couvrir Jean-Louis Gergorin et couvrir Dominique de Villepin», a-t-il dit.

Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud avaient été jugés responsables de la fraude au cours du premier procès, qui s'était déroulé à l'automne 2009. Ils avaient respectivement été condamnés à 15 et 18 mois de prison ferme.

A la sortie de l'audience, Imad Lahoud s'en est pris devant la presse à l'ex-Premier ministre. «Dominique de Villepin a voulu éliminer Nicolas Sarkozy. Il a peur. Il ment. Que va-t-il devenir s'il est condamné ?», a déclaré l'agrégé de mathématiques.

Dominique de Villepin, 57 ans, a cherché, ces derniers jours, à afficher sa confiance. «Je ne crains rien et on ne craint rien quand on est innocent», a-t-il déclaré dimanche.

Avant de pénétrer dans la salle d'audience, l'ancien Premier ministre a choisi de ne pas évoquer son procès, préférant commenter la mort d'Oussama Ben Laden. «Je ne pense pas à moi, mais à ces milliers d'hommes et de femmes tombés sous les coups du fanatisme et de la haine d'Oussama Ben Laden», a-t-il déclaré.

Cette affaire passionnelle, bâtie sur la féroce rivalité l'opposant au président Nicolas Sarkozy, devrait cependant gagner en sérénité, les deux hommes ayant, depuis le premier procès, renoué des contacts politiques et manifesté la volonté de faire baisser la tension. C'est le parquet qui avait fait appel et déclenché ce deuxième procès.

Dans un style lyrique, Dominique de Villepin avait placé le premier procès sur le terrain politique. «Je suis ici par la volonté d'un homme, je suis ici par l'acharnement d'un homme, Nicolas Sarkozy, qui est aussi président de la République française», avait-il lancé dans une tirade restée célèbre, à l'ouverture de la première audience.

Quelques mois auparavant, la presse avait prêté à Nicolas Sarkozy la volonté de pendre «à un croc de boucher» les responsables de cette affaire Clearstream.

Les deux hommes se réclament de la même famille gaulliste, qui domine la droite française depuis un demi-siècle. Mais Dominique de Villepin fut jusqu'au bout un fidèle de Jacques Chirac, dont il fut Premier ministre de 2005 à 2007. Nicolas Sarkozy s'en était démarqué et s'est fait élire en 2007 sur le thème de la «rupture» avec les politiques antérieures.