L'ex-président français Jacques Chirac peut nourrir l'espoir de ne jamais comparaître devant la justice: le tribunal de Paris doit se prononcer mardi sur un recours de la défense pouvant entraîner un report sine die de son procès pour emplois fictifs.

Jacques Chirac, premier ancien président à être jugé en France, était dispensé d'assister lundi au premier jour d'audience. Il doit en principe se présenter au tribunal mardi, mais l'un de ses avocats a déclaré que ce serait plus probablement mercredi.

Le parquet et l'avocat de l'un des neuf coaccusés de Jacques Chirac ont demandé au tribunal de saisir la Cour de cassation d'un point de droit lié à la prescription des faits qui sont jugés, ce qui pourrait provoquer un report de l'audience d'au moins plusieurs mois.

Agé de 78 ans, Jacques Chirac pourrait alors ne jamais comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris.

«Le tribunal rendra sa décision mardi à 13h30» (12h30 GMT), a déclaré le président du tribunal, Dominique Pauthe, avant de suspendre l'audience lundi.

L'ancien président est redevenu un justiciable ordinaire depuis qu'il a quitté l'Elysée en 2007 et n'est plus protégé par son immunité. Il doit répondre devant le tribunal de faits remontant au début des années 1990.

Il est soupçonné d'avoir permis que des personnes travaillant essentiellement pour son parti, le RPR (ancêtre de l'UMP, le parti de l'actuel président Nicolas Sarkozy), soient rémunérées par la mairie de Paris. Maire de Paris de 1977 à 1995 avant d'être élu président (1995-2007), il n'a cessé de récuser l'existence d'un «système organisé».

Des doutes sur la tenue du procès avaient déjà été soulevés en raison de la santé déclinante de l'ancien président, la silhouette désormais voûtée et le pas hésitant. Son épouse Bernadette a même dû démentir fin janvier qu'il souffrait de la maladie d'Alzheimer.

Dimanche, Jacques Chirac a réaffirmé à la radio Europe 1 qu'il allait «aussi bien que possible».

Il «a toujours dit qu'il tenait à s'expliquer, il viendra demain dire mieux que moi ce qui lui paraît utile de dire», a expliqué l'un de ses avocats, Georges Kiejman. Le même avocat, à la fin de l'audience, confiait cependant: «Il est probable que le président viendra mercredi».

«On n'a pas envie de juger un ancien président de la République, on voit bien les enjeux politiques qu'il y a derrière», a affirmé de son côté Me Jérome Karsenti, l'avocat d'une association «anticor», qui lutte contre la corruption et qui est représentée au procès.

Cette affaire comprend deux volets: l'un a été instruit à Nanterre (près de Paris) portant sur 7 emplois présumés de complaisance et pour lequel M. Chirac est accusé de «prise illégale d'intérêt"; l'autre a été instruit à Paris portant sur 21 emplois, pour lequel l'ex-président est poursuivi pour «détournement de fonds publics» et «abus de confiance».

Dans le volet de Nanterre, plusieurs condamnations avaient déjà été prononcées en 2004, notamment à l'encontre de l'ancien Premier ministre (et actuel chef de la diplomatie) Alain Juppé, à l'époque secrétaire général du RPR et adjoint aux Finances à la mairie de Paris.

L'ancien président encourt en théorie 10 ans de prison et 150.000 euros d'amende, ainsi que cinq ans de radiation des listes électorales et 10 ans d'inéligibilité.

Mais la pression s'est cependant allégée depuis que la ville de Paris a renoncé à se porter partie civile, suite à un accord d'indemnisation conclu en 2010 avec l'UMP et Jacques Chirac, tandis que le parquet a déjà requis un non-lieu dans cette affaire.

S'il n'est pas reporté, le procès doit durer jusqu'au 4 avril.