Pouvoir et opposition restaient plus que jamais déterminés dimanche en Albanie, appelant chacun leurs partisans à manifester à Tirana, et le Premier ministre, Sali Berisha, a accusé de nouveau le dirigeant de l'opposition, Edi Rama, d'avoir voulu fomenter vendredi un «coup d'État».

Lors d'une allocution retransmise par tous les médias, M. Berisha a accusé M. Rama, qui est également le maire de Tirana, d'avoir voulu provoquer un «coup d'État» lors de la manifestation anti-gouvernementale de vendredi à Tirana, qui a fait trois morts, tués par balles.

Le Parlement, réuni en session extraordinaire dimanche soir, s'est prononcé en faveur de la création d'une commission d'enquête sur les événements de vendredi.

Cette commission, selon la présidente du Parlement, Jozefina Topalli, devra faire en sorte de «dévoiler la vérité sur (la tentative) de coup d'État organisé le 21 janvier, dont l'objectif était de renverser par la force l'ordre constitutionnel».

Seuls les 73 députés de la majorité gouvernementale ont voté en faveur de cette commission d'enquête. Les députés de l'opposition ont boycotté la séance.

Le Premier ministre albanais a appelé ses partisans à manifester samedi prochain à Tirana, et non pas mercredi comme prévu initialement, en raison de son déplacement cette semaine à Strasbourg pour le rapport de Dick Marty, qui doit être soumis à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE).

Ce rapport évoque en particulier un trafic d'organes présumé par les maquisards kosovars albanais perpétré en territoire albanais à la fin des années 90.

Lors des funérailles de deux des trois manifestants tués vendredi, M. Rama a appelé aussi ses partisans à la mobilisation, en les invitant à manifester vendredi dans la capitale albanaise.

«Il faut venir pour condamner la violence et le crime qui a coûté la vie à trois hommes innocents», a déclaré M. Rama.

La proximité dans le temps de deux manifestations antagonistes paraît présenter des risques sérieux.

Entretemps, la polémique enfle autour des circonstances qui ont conduit à la mort des trois manifestants, devant le siège du gouvernement.

Le Parquet a émis six mandats d'arrêt contre des membres de la Garde républicaine, chargée de la protection des personnalités albanaises.

Un porte-parole du Parquet albanais, Plator Nestori, a toutefois reconnu dimanche que la police n'avait toujours pas exécuté ces mandats d'arrêt.

Selon des sources proches de la police, celle ci réclame que le Parquet reconnaisse la responsabilité de certains dirigeants de l'opposition dans les incidents, pour n'avoir pas été en mesure de retenir la foule, et pour l'avoir au contraire, selon elles, incité à la violence.

M. Berisha a accusé le Procureur général, Ina Rama, de s'être rendu «complice» du dirigeant de l'opposition en émettant ces six mandats d'arrêt.

«Les militaires de la Garde n'ont en aucun cas violé la loi. Ils ont en revanche tout fait pour protéger les institutions de l'État», a déclaré M. Berisha, résolument offensif.

Le Premier ministre s'en est pris aussi dimanche soir devant le Parlement à la police secrète albanaise, lui reprochant de n'avoir «fourni aucune information sur ce qui était en train de se préparer, alors que plusieurs personnes étaient au courant».

M. Rama a estimé devant la presse que le «seul compromis» avec les démocrates (au pouvoir) serait l'annonce d'élections législatives anticipées.

Les socialistes n'ont jamais reconnu la victoire de M. Berisha aux élections législatives de juin 2009, accusant le Premier ministre de fraudes.

L'Albanie traverse depuis une crise politique, avec une participation minimum de l'opposition aux travaux parlementaires. Il s'agit de la crise politique la plus longue du pays depuis la chute du régime communiste, au début des années 90.