Les confidences de quatre ministres et secrétaires d'État libéraux démocrates britanniques piégés par des journalistes sont venues confirmer de façon fracassante les tiraillements au sein du gouvernement de coalition auquel ils appartiennent, au côté des conservateurs.

Tout a commencé mardi avec la révélation des propos tenus récemment par l'une des principales figures LibDem du gouvernement, le ministre du Commerce Vince Cable, à de pseudo militantes de son parti, en fait deux journalistes du Daily Telegraph.

Connu pour son franc-parler - et ses bourdes -, le ministre a tiré à vue dans cet entretien sur ses «amis conservateurs», énumérant tous les sujets de discorde, des bonus bancaires aux frais universitaires.

Le premier ministre conservateur David Cameron a bien tenté dans un premier temps de sauver les meubles en vantant lors d'une conférence de presse le travail fait par la coalition.

Mais l'affaire a tourné au vinaigre quand ont été dévoilées dans la soirée d'autres considérations lapidaires de M. Cable sur «sa guerre» avec le magnat des medias Rupert Murdoch dont il se faisait fort de pouvoir bloquer les projets de prise de contrôle du bouquet satellitaire BSkyB.

Face à un tel manquement au devoir d'impartialité d'un ministre, la sanction est immédiatement tombée: après plusieurs réunions de crise, le 10 Downing Street annonçait que M. Cable ne s'occuperait plus du dossier, transféré à son collègue conservateur de la Culture Jeremy Hunt... qui avait vanté cet été l'apport de M. Murdoch à la télévision britannique.

Cette sanction a des allures d'humiliation pour Vince Cable, un économiste reconnu qui, selon le mot du Guardian, se retrouve «dans l»'équivalent politique du couloir de la mort».

Mais la sentence a néanmoins paru étonnamment clémente à nombre de commentateurs qui pensent que M. Cable n'a dû son salut qu'a la nécessité de préserver le fragile attelage gouvernemental.

«Ce n'est pas pour le bien du pays que David Cameron a pris cette décision mais parce qu'il était contrarié de l'impact qu'aurait sur son gouvernement le départ de Vince Cable», a assuré Ed Miliband, le numéro un travailliste. S'il avait été conservateur, M. Cable aurait «très certainement» pris la porte, a confirmé le député Tory John Whittingdale. Pareil jugement est partagé par la plupart des médias, d'horizons politiques divers.

Plusieurs épisodes ont déjà fait sévèrement tanguer ces derniers mois la coalition, à commencer par le vote au Parlement de la hausse des frais universitaires qui a donné lieu à de nombreuses défections dans les rangs libéraux-démocrates.

Les dernières révélations mercredi du Daily Telegraph émanant de trois autres membres LibDem du gouvernement, piégés à leur tour par des journalistes, ont ajouté à l'embarras.

Lors d'une conversation qu'ils croyaient privée, Michael Moore, Ed Davey et Steve Webb ont critiqué abondamment certaines décisions gouvernementales, le premier allant jusqu'à souligner que l'aile droite des conservateurs «hait cordialement» les LibDem «qui le lui rendent bien».

Si l'image de la coalition ne sort pas grandie de cet épisode, le coup est encore plus rude pour les LibDem, déjà laminés dans les sondages et accusés par leur base d'avoir renié ces derniers mois leurs promesses de campagne.

Avec la mise en veilleuse de Vince Cable, l'un de leur atout maître au sein de la coalition, ils perdent une grande part de leur influence sur la politique économique du gouvernement.

Et les écarts de langage du quatuor, note la presse, attisent les critiques de ceux «qui considèrent que les LibDem n'ont pas encore l'étoffe d'un vrai parti de gouvernement».