Un chômeur français vient d'apprendre, à ses dépens, que le sens de l'humour de l'ex-ministre de la Justice française, Rachida Dati, a des limites qu'il vaut mieux ne pas franchir.

L'homme d'une quarantaine d'années, originaire de la Drôme, dans le sud-est du pays, a été appréhendé au réveil il y a 10 jours par des policiers qui l'ont placé en garde à vue après avoir fouillé son appartement.

Détenu pendant 48 heures, il a finalement été placé sous contrôle judiciaire par le procureur de la République de Valence et relâché. Le suspect, dont l'identité n'a pas été dévoilée, doit comparaître cette semaine pour «outrage à personne chargée de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions».

Les autorités lui reprochent d'avoir adressé à Mme Dati, qui siège aujourd'hui comme députée européenne, des courriels «graveleux» s'inspirant d'un récent lapsus de la politicienne.

Lors de son passage à une émission télévisée fin septembre, l'ex-ministre avait parlé de «fellation» alors qu'elle voulait plutôt dire «inflation».

L'insignifiante bévue est devenue un succès instantané sur les sites de partage de vidéos. Sans pour autant émouvoir la principale intéressée, qui s'est contentée de dire, en riant, qu'elle avait «parlé trop vite».

L'affaire en serait restée là si l'homme appréhendé il y a 10 jours n'avait pas eu l'idée de lui écrire, sur son adresse courriel de députée, pour lui demander notamment une «petite inflation».

Réagissant au dévoilement de l'arrestation, Mme Dati a souligné vendredi sur son blogue qu'elle avait porté plainte parce qu'elle s'était sentie «menacée» par le nombre de courriels et «l'insistance des propos» qu'ils contenaient.

L'avocat du chômeur arrêté, Ivan Flaud, a assuré vendredi au site Le Post qu'il n'y avait strictement rien de menaçant dans les courriels en question.

Son client, dit-il, reconnaît qu'il «n'était pas très malin, ni très intelligent» de procéder à de tels envois, mais ne comprend pas pourquoi «un tel déploiement de moyens» a été retenu à son encontre. «Tout cela pour une blague potache est disproportionné», juge Me Flaud.

L'intervention des forces de l'ordre fait polémique, incluant parmi les juristes. L'avocat responsable du blogue Maître Eolas, très lu dans le milieu juridique, relève sous le couvert de l'anonymat que la garde à vue aurait dû être annulée par le procureur responsable.

Mme Dati n'est pas «dépositaire de l'autorité publique» à titre de députée européenne, écrit le blogueur. Et la sanction prévue est une amende alors que la garde à vue ne doit s'appliquer qu'aux actes passibles d'emprisonnement.

«Voilà, mes chers citoyens, la totalité de la protection de votre liberté. Vous voulez rire du lapsus d'une élue? Il vous en cuira», déplore-t-il.