Le mouvement de contestation en France contre la réforme des retraites a donné mardi des signes nets d'essoufflement, dans le secteur énergétique comme dans le monde étudiant, offrant un répit au pouvoir du président Nicolas Sarkozy avant la dernière étape législative.

Le gouvernement s'est félicité de ces indices de détente sociale, au moment où le projet achève son parcours législatif. Le Sénat a confirmé mardi son vote positif, avant un dernier vote solennel de l'Assemblée nationale mercredi.

Le conflit sur cette réforme phare du chef de l'État français, qui recule l'âge minimal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, en est à un «tournant», a ainsi affirmé la ministre de l'Économie Christine Lagarde.

La tension s'est apaisée en particulier sur le front stratégique de l'énergie. Mardi, le travail avait repris dans cinq des douze raffineries de France qui étaient toutes en grève depuis 10 ou 15 jours, a annoncé le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux.

Sept sites restaient en grève mais la lassitude et le découragement étaient perceptibles. Comme à Grandpuits (près de Paris) où la foule de grévistes des premiers jours a disparu. «Qu'il y ait moins de monde, c'est normal, les gens se fatiguent, il fait froid», a expliqué un ancien de l'usine Christophe Loton.

L'approvisionnement en carburants s'est lui stabilisé mardi autour de «20 à 25%» de stations-service bloquées, selon l'Union française des industries pétrolières (UFIP).

Les pénuries de carburant ont pénalisé des secteurs de l'économie comme le tourisme, la chimie ou le bâtiment avec des pertes évaluées «entre 200 à 400 millions d'euros par jour» par le gouvernement.

Mardi, en dépit des vacances scolaires pour les lycéens, jeunes et étudiants étaient appelés à se mobiliser. Entre 4 et 7 universités (sur 83) étaient perturbées, et les rassemblements prévus dans plusieurs villes ont très peu mobilisé.

À Paris, le nombre des étudiants était très en-deçà des espérances, avec environ un millier de manifestants près du Sénat, contribuant au sentiment de décrue du mouvement de protestation.

Dans les transports, la mobilisation semblait aussi se tarir, tout comme dans le secteur du ramassage des ordures, où le travail a repris dans plusieurs villes.

A Marseille, deuxième ville du pays, près de 10 000 tonnes d'immondices s'étaient accumulées dans les rues. «Il était temps», s'est réjouie une passante en voyant à l'oeuvre les éboueurs, qui devraient mettre quatre à cinq jours avant que la cité ne redevienne propre.

«Les derniers blocages (sont) derrière nous», a estimé le patron du parti de la majorité UMP (droite) Xavier Bertrand.

Mais même si «la grève s'effiloche» comme le titrait le quotidien Libération (gauche), les syndicats tentaient eux de maintenir la pression avant la promulgation de la loi, mi-novembre.

«Le mouvement n'est pas fini. Il continuera, il prendra d'autres formes», a prévenu le leader de la CGT (un des deux grands syndicats français) Bernard Thibault.

Jeudi, c'est à une septième journée nationale de grèves et de manifestations depuis la rentrée que les salariés sont appelés. Avant une autre encore, le 6 novembre.

Au plus fort de la mobilisation mi-octobre, entre 1,2 et 3,5 millions de personnes, selon les sources, sont descendues dans les rues pour réclamer une refonte de la réforme, jugée «injuste» par l'opposition et une large partie de l'opinion mais «indispensable» par le gouvernement pour faire face à l'allongement de la durée de la vie.

Dans une ultime démarche, les députés socialistes ont annoncé mardi qu'ils allaient déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.

Au plus bas dans les sondages, le président Sarkozy devrait quant à lui très rapidement remanier son gouvernement, et peut-être changer de Premier ministre, après avoir fait adopter la réforme la plus importante et traversé la crise la plus grave de son mandat.