Nicolas Sarkozy s'est dit mercredi scandalisé par les propos de la commissaire européenne Viviane Reding semblant établir un lien entre sa politique à l'égard des Roms et les déportations de la Seconde Guerre mondiale, tout en prenant acte des «regrets» exprimés dans la soirée par l'intéressée.

«La présidence de la République prend acte des excuses de Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, commissaire à la Justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, pour ses propos outranciers à l'endroit de la France», selon un communiqué de l'Élysée diffusé mercredi soir.

Un peu plus tôt, dans une déclaration à l'AFP, Mme Reding avait cherché à apaiser les choses en assurant n'avoir «en aucun cas voulu établir un parallèle entre la Deuxième Guerre mondiale et les actions du gouvernement français d'aujourd'hui».

«J'ai au contraire défendu, au nom du Collège (Commission européenne, ndlr), les principes et les valeurs sur lesquelles notre Union européenne est fondée», a-t-elle ajouté.

Nicolas Sarkozy participera jeudi à Bruxelles à un Conseil européen extraordinaire qui risque d'être largement dominé par la politique très controversée de la France à l'égard des Roms.

S'expliquant devant des sénateurs de son parti sur la crise entre Paris et Bruxelles dans la journée, le président français avait affirmé qu'il était «scandaleux (...) que l'Europe s'exprime de cette façon sur ce que fait la France», selon le sénateur Bruno Sido.

Selon des participants, Nicolas Sarkozy avait aussi affirmé qu'il serait «très heureux si le Luxembourg (le pays de Mme Reding) pouvait aussi accueillir quelques Roms».

Des propos jugés aussitôt «malveillants» par le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn.

Dans la soirée, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a cherché à calmer le jeu, soulignant que Vivian Reding «ne s'exprimait pas au nom du Luxembourg».

«J'ai donc tenu à appeler mon homologue luxembourgeois Jean Asselborn pour réitérer notre volonté commune de poursuivre les relations d'amitié et de coopération qui unissent nos deux pays. Nous sommes convenus que l'urgence était de répondre au grand dénuement des populations d'origine rom, en priorité dans leur pays d'origine», a précisé le ministre français.

Cette crise avec la Commission européenne couvait depuis août et le durcissement de la politique sécuritaire de la France à l'égard des Roms en situation irrégulière.

Elle a éclaté cette semaine après les révélations sur l'existence d'une circulaire - annulée depuis - des autorités françaises ciblant spécifiquement les Roms pour les renvois, en contradiction d'assurances données auparavant à Bruxelles.

Viviane Reding a menacé mardi la France de poursuites en justice pour non respect de la législation de l'Union européenne, établissant un parallèle avec les déportations pendant la Deuxième Guerre mondiale.

«J'ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un État membre (de l'UE) juste parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale», a lancé la commissaire.

Outré par cette dernière phrase, le secrétaire d'État français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, a dénoncé un «dérapage» grave: «Un pécule, un billet d'avion pour le pays d'origine de l'UE, ce n'est pas les camps de la mort», a-t-il martelé.

La France, qui s'était déjà fait rappeler à l'ordre la semaine dernière au Parlement européen, a en outre été invitée mercredi par les États-Unis «à respecter les droits des Roms».

Elle a en revanche reçu le soutien du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, qui a estimé que Mme Reding «aurait mieux fait de traiter le sujet en privé avec les dirigeants français avant de s'exprimer publiquement».