Andy Coulson, directeur des communications du premier ministre de Grande-Bretagne, a-t-il encouragé ses journalistes à pirater les boîtes vocales de célébrités lorsqu'il était rédacteur en chef de l'hebdomadaire News of the World?

Cette question est au coeur d'une crise qui secoue ces jours-ci le monde politique et médiatique anglais et qui a retenti jusqu'à la Chambre des communes, hier.

L'affaire remonte à 2005, lorsque Coulson était rédacteur en chef de News of the World, un hebdomadaire dominical qui fait partie de l'empire médiatique de Rupert Murdoch. Bien qu'il publie de grandes enquêtes à l'occasion, ce journal carbure aux scandales sexuels et aux détails intimes de la vie des gens riches et célèbres.

En 2007, à la suite d'une enquête policière de Scotland Yard et d'une commission parlementaire, un journaliste et un détective privé au service du journal ont été condamnés à plusieurs mois de prison pour avoir publié des «nouvelles» à partir d'information recueillie illégalement dans des boîtes vocales. Parmi leurs victimes: le prince Harry et le prince William ainsi que plusieurs personnalités des mondes sportif et politique.

Coulson, qui continue à nier avoir été au courant de ces pratiques journalistiques pour le moins douteuses (et illégales), a tout de même démissionné de son poste. Ironiquement, il travaille aujourd'hui au 10, Downing Street, où il conseille le premier ministre conservateur sur ses relations avec les médias...

Mauvaise image

«Les journalistes britanniques ne jouissent pas d'un immense respect auprès de la population, souligne Bob Franklin, professeur à la Cardiff School of Journalism, joint par La Presse. Toutes ces histoires d'écoutes illégales ne font rien pour améliorer leur image. Jusqu'ici, ce sont surtout The Independent, The Guardian ainsi que la BBC qui couvrent le scandale. Le fait que cette affaire implique un des journaux de Rupert Murdoch, honni par plusieurs, ne fait qu'augmenter leur intérêt pour l'affaire.»

Le scandale des écoutes téléphoniques illégales a refait surface avec beaucoup de vigueur il y a quelques jours dans l'actualité britannique. Il y aura une nouvelle commission parlementaire durant laquelle les témoins, plus loquaces qu'il y a cinq ans, pourront raconter ce qu'ils ont vu. Un récent article paru dans le New York Times Magazine prétend qu'Andy Coulson était non seulement informé des pratiques de ses journalistes, mais qu'il les encourageait. L'écoute illégale était en fait courante à News of the World, à un point tel qu'un employé avait pour unique tâche de retranscrire les conversations captées par les journalistes. Ce dernier a confié au Guardian qu'il était prêt à témoigner devant une commission.

«Fais ce que dois»

La presse britannique est reconnue pour son style agressif et cinglant, et le scandale des écoutes n'est pas le premier du genre. En fait, la maxime «Fais ce que dois» prend un tout autre sens en Angleterre. Fouille de poubelles, embauche de détectives privés: certains journalistes ne reculent devant rien pour obtenir une exclusivité. Mais cette fois, on sent dans la presse et l'opinion publique une volonté de faire de News of the World un cas type. D'abord à cause du nouveau poste de son ancien rédacteur en chef, Andy Coulson.

Comme l'a écrit mardi Steve Richards, chroniqueur à The Independent: «Comment un homme censé conseiller le premier ministre sur ses relations avec les médias peut-il lui-même être objet de l'attention constante des médias?» Voilà pour l'aspect politique du scandale.

Sur le plan médiatique, la remise en question des pratiques du News of the World pourrait avoir un impact sur l'ensemble de la presse britannique. Outre les écoutes illégales et les nombreuses poursuites judiciaires intentées par leurs victimes, le News of the World est sur la sellette pour une autre affaire: une de ses victimes les plus médiatisées, Max Mosley, président de la Fédération internationale automobile (FIA), a décidé, lui aussi, de riposter. On se souvient que M. Mosley avait fait les manchettes à cause de la publication d'images où on le voyait dans des mises en scène sadomaso en compagnie de prostituées.

Il demande à la Cour européenne des droits de l'homme d'obliger les journalistes à aviser les gens avant de publier de l'information qui les concerne. Inutile de dire que la presse britannique, et pas seulement News of the World, frémit rien que d'y penser.

Pour en savoir plus sur l'affaire des écoutes illégales, le site du Guardian est très complet.

Pour lire l'article du New York Times Magazine

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