De premiers arrêts de travail se produisaient lundi en France dans les écoles, à la veille d'une grande journée de grève et de manifestations contre la réforme des retraites, cruciale pour le président Nicolas Sarkozy, très affaibli dans l'opinion.

Les enseignants ont lancé le mouvement avec des débrayages dans les collèges et lycées (quelque 6% selon les autorités, 30% selon les syndicats). Ils protestent contre des suppressions de poste et des «dégradations» des conditions de travail.

Cette journée était considérée comme un «tour de chauffe» avant la grande mobilisation nationale de mardi contre la réforme des retraites, organisée pour la troisième fois depuis le début de l'année à l'appel des syndicats rarement aussi unis.

Cette réforme, considérée par Nicolas Sarkozy comme une «priorité absolue», prévoit de repousser l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans d'ici 2018.

Le texte doit être présenté mardi dans une ambiance surchauffée à l'Assemblée nationale par un ministre du Travail Eric Woerth très affaibli par un scandale politico-fiscal qui le discrédite auprès des syndicats, de l'opposition et de 60% des Français, selon un sondage Harris Interactive.

Des appels à la grève ont été recensés dans les transports, la fonction publique, des médias publics, ainsi que dans l'industrie ou les banques.

Les premiers arrêts de travail sont prévus dès lundi soir dans les chemins de fer où seuls deux trains à grande vitesse (TGV) sur cinq devaient  circuler. Le mouvement sera plus limité sur les liaisons internationales - trafic normal sur Eurostar (Paris-Londres), huit trains sur dix sur Thalys (Paris-Bruxelles).

Selon des sondages, plus de 70% des Français approuvent ce mouvement.

Les organisations syndicales espèrent mobiliser au moins deux millions de personnes. «On peut avoir une journée exceptionnelle et, si elle est exceptionnelle, on peut être à un tournant», a jugé lundi le secrétaire général de la CGT (premier syndicat, gauche) Bernard Thibault.

«Si demain les Français sont très nombreux à descendre dans la rue, le gouvernement doit en tenir compte», a estimé la socialiste Ségolène Royal.

Dimanche, deux proches conseillers du chef de l'État ont indiqué qu'il serait inflexible «sur le fond» (l'âge de départ à la retraite) mais que des «négociations» étaient possibles sur certains points.

L'âge légal est celui à partir duquel un salarié peut prétendre à une pension à taux plein dans le système français dit par répartition, où les actifs paient les pensions des retraités.

Confronté à l'augmentation du nombre des retraités, le gouvernement considère que faire travailler les Français plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, est la meilleure option pour assurer des besoins de financement estimés à 70 milliards d'euros d'ici 2030.

Au-delà des retraites, la journée de mardi «va servir de catalyseur à l'expression de multiples mécontentements», commente le quotidien régional La République du Centre.

L'examen de cette réforme intervient au pire moment pour le président qui enregistre la cote de confiance la plus basse depuis juin 2007 (32% selon un sondage CSA) et doit faire face à plusieurs fronts.

Les soupçons de conflit d'intérêt et financement politique illégal à l'encontre de son ministre du Travail dans une affaire liée à l'héritière des cosmétiques L'Oréal Liliane Bettencourt lui valent des accusations de «collusion» avec la grande finance.

Un durcissement de sa politique sécuritaire, notamment à l'égard des Roms, a suscité des accusations de «xénophobie» scandées par des dizaines de milliers de manifestants samedi. Des tiraillements sont apparus jusque dans son gouvernement tandis que le parti présidentiel UMP commence à se déchirer en vue de la présidentielle de 2012.