En pleine présidence de l'UE, la Belgique se retrouve plus divisée que jamais après l'échec d'une tentative de formation de gouvernement, dernier épisode d'une crise politique profonde entre francophones et néerlandophones qui dure depuis déjà plus de trois ans.

Pour éviter un pourrissement de la situation, le roi des Belges Albert II a agi vite en désignant dès samedi soir deux médiateurs, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat. Ils auront pour tâche de renouer les fils du dialogue.

«Ceci est nécessaire pour préserver le bien-être économique et social des citoyens et pour réformer durablement nos institutions», a dit le souverain dans un communiqué.

Ce choix n'est pas anodin: le président de la Chambre, le socialiste André Flahaut, et celui du Sénat, Danny Pieters, membre du parti indépendantiste flamand NV-A, représentent les deux principales formations des deux grandes communautés du pays.

Mais il n'y aucune garantie qu'ils réussiront là où les présidents de leurs propres partis ont échoué pendant presque trois mois en raison de divergences de fond sur l'avenir institutionnel et financier du pays.

«Et maintenant que fait-on?»: l'interrogation s'étalait samedi en première page de plusieurs journaux, les solutions s'amenuisant dangereusement.

Le quotidien francophone Le Soir voit le pays «à genoux» du fait de l'intransigeance de la N-VA, qui a refusé vendredi une ultime proposition de compromis pour former un gouvernement.

Le chef de file des socialistes francophones, Elio Di Rupo, pressenti pour devenir Premier ministre, a du coup jeté l'éponge en exprimant avec inquiétude l'espoir «que nous pourrons continuer à vivre ensemble en paix». Le roi a pris acte de son retrait samedi.

Les tractations butent sur l'avenir institutionnel et financier du pays. En échange de l'abandon de droits linguistiques spécifiques en Flandre, les francophones demandent des subventions supplémentaires pérennes pour Bruxelles, ville très majoritairement francophone et lourdement déficitaire. Les Flamands refusent.

Bart de Wever, le président de la N-VA, un parti clairement à droite, pourrait profiter de la phase qui s'ouvre pour tenter d'inclure dans la négociation les partis libéraux. La coalition envisagée jusqu'ici, avec une forte représentation des socialistes et écologistes, est trop à gauche à son goût.

Aux contentieux entre communautés flamande et francophone s'ajoutent en effet des clivages idéologiques traditionnels. Ils ont été aiguisés par le résultat des élections de juin qui ont acté la partition politique d'un pays divisé aussi entre une Flandre très majoritairement à droite et une Wallonie où les socialistes dominent.

«La Belgique est un pays difficile, il faut allier une partie du pays qui vote à gauche et une autre à droite», a relevé Bart de Wever.

Si au bout du compte un gouvernement ne peut être formé, la Belgique devra retourner aux urnes, comme en juin où déjà le scrutin avait été convoqué face à l'incapacité des deux communautés à s'entendre. Avec un risque de radicalisation accrue de l'électorat flamand.

Depuis juin 2007, le pays n'a en fait jamais vraiment connu la stabilité politique. Il reste pour l'heure gouverné par une équipe chargée de gérer les affaires courantes alors même que le pays doit tenir les rênes de l'Europe jusque fin décembre.

Un haut responsable du parti socialiste francophone, Philippe Moureaux, a brisé un tabou cette semaine en évoquant la scission du pays. «On est jusqu'à présent dans un processus de délitement de l'État. On va peut-être entrer dans l'organisation progressive de la séparation», a-t-il dit.