Respecté à l'étranger mais impopulaire chez lui, Gordon Brown devra mener le combat d'une vie lors des législatives du 6 mai, s'il veut sortir de l'ombre de Tony Blair et revenir à Downing Street fort d'une victoire par les urnes.

Près de trois ans après avoir succédé au charismatique Blair, cet Écossais de 59 ans n'a toujours pas séduit une opinion qui le juge sérieux, travailleur et honnête, mais austère, ombrageux et gauche.

En février, sa personnalité complexe est exposée dans un livre politique qui brosse de lui un portrait peu amène: colérique, voire tyrannique avec son entourage. Ses proches contre-attaquent en y voyant le signe d'un être passionné et exigeant, à l'instar d'un Churchill, d'une Thatcher.

«C'est un homme impatient, mais est-ce que vous voudriez une personne timorée à la tête du gouvernement?», demande son ministre du Commerce Peter Mandelson.

L'homme impatient naît en 1951 dans une famille modeste de la petite ville ouvrière de Kirkcaldy (Écosse). Son père, pasteur presbytérien, lui enseigne la valeur de l'éducation et du travail. Il lui donne cette «boussole morale» qui continue selon lui de guider ses pas.

Élève doué, féru de sport, il intègre l'université d'Edimbourg à 16 ans. C'est là qu'il perd l'usage d'un oeil lors d'un match de rugby. L'autre est sauvé de justesse. Il décroche un doctorat d'histoire et fait ses premières armes en politique dans le milieu étudiant.

Après une brève incursion dans le journalisme et l'enseignement, il devient député en 1983. À Westminster, il se lie d'amitié avec un jeune député brillant qui va changer sa vie: un certain Tony Blair.

Ceux qu'on surnomme les «frères de sang» deviennent rivaux après le décès du leader travailliste John Smith en 1994. Brown laisse à Blair la tête du parti en échange d'une promesse de renvoi d'ascenseur selon la presse.

C'est le début d'une longue rivalité.

En 1997, un raz-de marée travailliste porte Blair à Downing Street. Il fait de Brown son puissant ministre des Finances.

Le «chancelier de fer» octroie son indépendance à la Banque d'Angleterre, refuse l'entrée dans la zone euro. On le crédite de la forte croissance du pays, enviée en Europe.

En 2000, le célibataire négligé épouse Sarah, ancienne responsable de relations publiques. La mort en 2002 de leur fille Jennifer, née prématurée, bouleverse l'opinion. Le couple a deux autres fils, John et Fraser.

Affaibli par la guerre en Irak, Blair est poussé vers la sortie en 1997 sous la pression de Brown et de ses alliés. Fin juin, Brown devient chef du Labour et entre à Downing Street sans passer par les élections.

Après une brève lune de miel avec les Britanniques, Brown tergiverse, et finit par renoncer à l'automne 2007 à convoquer des élections anticipées qui auraient pu asseoir sa légitimé. «Dégonflé», hurlent les Conservateurs.

À l'automne 2008, la crise économique mondiale lui permet de redresser la tête. Il lance d'ambitieux plans de sauvetage bancaire, salués et imités dans le monde.

Mais le Royaume-Uni plonge dans l'une des pires récessions de son histoire, les syndicats et l'opposition accusent Brown de laisser les déficits s'envoler et le pouvoir d'achat reculer. Sa cote de popularité s'effondre, les tentatives de putsch au Labour se multiplient.

La sortie de récession début 2010 lui redonne des couleurs. À la surprise générale, le Labour refait une grande partie de son retard sur les Tories dans les sondages. Une victoire du parti du jeune David Cameron, qui semblait quasi-assurée il y a quelques mois, devient plus aléatoire.

Brown se prépare à jeter toutes ses forces dans la bataille. Mais victoire ou pas le 6 mai au soir, il a déjà prévenu qu'il resterait à la tête du Labour. «Je dois aux gens de terminer le travail», estime-t-il.