Première économie d'Europe, l'Allemagne est l'une des lanternes rouges du continent en matière d'égalité salariale entre hommes et femmes, un domaine où les choses peinent à bouger.

L'«Equal Pay Day» allemand a été fixé symboliquement cette année au 26 mars, c'est-à-dire qu'une Allemande doit travailler environ trois mois de plus pour rattraper le salaire d'un collègue masculin au 31 décembre précédent.

Car les Allemandes gagnaient toujours 23,2% de moins que leurs compatriotes masculins par heure travaillée en 2008, selon les derniers chiffres de l'Office des statistiques.

Au sein de l'Union européenne, l'écart moyen est de 18%. Seules l'Estonie, la République tchèque, l'Autriche et les Pays-Bas font pire que l'Allemagne. L'Italie est le meilleur élève avec 4,9%, contre 9% pour la Belgique et 19,2% pour la France.

Outre les mesures anti-discriminatoires instaurées au niveau de l'Union européenne, quelques engagements ont été pris en Allemagne en 2001 entre le gouvernement social-démocrate/écologique de l'époque et le monde économique.

«Mais seulement sur une base volontaire», et très peu suivis d'effet, relève Katharina P-hl, chercheuse à l'Université libre de Berlin.

«Depuis 2001, les différences de salaires entre les hommes et les femmes ne se sont réduites de manière significative ni dans les postes de direction ni d'une manière générale», constate Anne Busch, de l'institut économique DIW.

L'écart est de 28% dans les fonctions d'encadrement du secteur privé, selon une étude du DIW publiée mardi.

«Le problème est culturel: les stéréotypes sont très ancrés, comme l'idée que les femmes doivent élever les enfants et que l'homme nourrit la famille», relève Mme Pühl. «En France ou en Scandinavie, c'est différent».

Le fait que les Allemandes exercent souvent des métiers moins rémunérateurs ou qu'elles interrompent leur carrière pour élever leurs enfants n'explique qu'une partie de l'écart, soulignent les économistes: à compétences égales et parcours professionnel comparable, les femmes gagnent moins.

Pour la commissaire européenne à la Justice Viviane Reding, la situation allemande est «inacceptable» car ce pays est «l'un des plus développés au monde au niveau économique et devrait donner le bon exemple».

La discussion sur l'égalité salariale et l'introduction de «Frauenquoten» (quotas de femmes) aux postes à responsabilités s'éternise depuis les années 1990. Mais si certains groupes comme Deutsche Telekom ont promis récemment de promouvoir activement la gent féminine à des postes à responsabilités, les engagements concrets sur le rattrapage des salaires se font attendre.

Le gouvernement et des instituts privés vantent des logiciels censés débusquer les anomalies, en vue de les pallier.

«C'est un instrument intéressant car pour l'instant, on n'a pas de données sur la façon dont se fabrique le gouffre», dit Mme P-hl.

Certains prônent une loi spécifique pour dissuader les mauvais payeurs de discriminer le sexe féminin. «Un progrès réel n'aura lieu que si le cadre juridique est modernisé avec un aspect contraignant», affirme Heide Pfarr, de l'institut de recherche WSI.

Depuis 2006, l'Allemagne dispose d'une loi générale pour sanctionner les discriminations.

«Mais il est dur de prouver qu'un écart de salaire est lié uniquement au sexe, d'autres facteurs entrent souvent en compte», souligne le porte-parole du bureau fédéral de prévention contre les discriminations, Jens B-ttner.

Cette loi n'a engendré aucune «vague de plaintes» féminines sur les niveaux de salaires, dit-il.