Le gouvernement allemand tente cette semaine de préparer une population franchement hostile à la guerre en Afghanistan à l'envoi de renforts, sans donner l'impression de s'aligner sur Washington.

La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé samedi que l'Allemagne allait se consacrer davantage à la formation des forces de sécurité afghanes, sans dire pour autant si elle comptait augmenter le contingent de la Bundeswehr plafonné à 4 500 soldats en Afghanistan.

Une décision qu'elle n'entend prendre qu'après la conférence internationale sur l'Afghanistan prévue jeudi à Londres et en vue de laquelle son gouvernement veut montrer qu'il suit sa propre stratégie.

Le ministre de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg a annoncé qu'il proposerait «un chiffre concret pour une éventuelle hausse de la participation allemande aux troupes» mais que l'augmentation des effectifs dépendrait des «résultats» de la conférence de Londres.

Même si les États-Unis affirment que les dés sont déjà jetés.

Pour Richard Holbrooke, l'émissaire américain pour l'Afghanistan et le Pakistan, cité par l'hebdomadaire Der Spiegel, «la stratégie pour l'Afghanistan est décidée» et la conférence de «Londres sert à la mettre en oeuvre».

Mme Merkel ne veut pas apparaître comme la chancelière de la guerre, alors que deux tiers de la population est hostile à l'engagement de la Bundeswehr en Afghanistan. Elle insiste sur le rôle du contingent allemand dans la formation et la reconstruction plutôt que dans les combats.

Elle a donné rendez-vous lundi aux quatre ministres concernés par le dossier: M. zu Guttenberg, Guido Westerwelle (Affaires étrangères), Dirk Niebel (Développement) et Thomas de Maizière (Intérieur).

Mardi et mercredi matin, elle recevra le président afghan Hamid Karzaï à Berlin avant de prononcer un discours devant les députés sur sa politique en Afghanistan et ses attentes de la conférence de Londres.

Jusqu'à présent hostile à un renforcement des troupes de la Bundeswehr, le ministre des Affaires étrangères Westerwelle, qui représentera le gouvernement allemand à Londres, n'exclut plus cette hypothèse. «Je n'ai jamais dit que nous n'allions envoyer aucun soldat supplémentaire, par exemple pour la formation des troupes afghanes. Mais je ne donne pas de chèque en blanc», a-t-il dit au journal Bild am Sonntag.

Depuis des mois, l'OTAN et le commandant des forces internationales en Afghanistan, le général Stanley McChrystal demandent des renforts aux alliés, dont l'Allemagne, troisième contributeur de la force internationale (Isaf) en Afghanistan.

Washington a annoncé en décembre l'envoi de 30 000 hommes supplémentaires en Afghanistan et d'autres pays européens, comme l'Espagne ou la Pologne lui ont emboité le pas.

Le chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, a d'ailleurs fait la leçon à l'Allemagne, estimant dans le journal Welt am Sonntag qu'«il n'était pas possible» que ce pays «ne veuille pas s'engager à fond en raison de réticences politiques et historiques».

Mais en Allemagne, la question afghane est particulièrement épineuse depuis une frappe meurtrière de l'OTAN demandée par un commandant allemand sur le terrain. Elle a déjà coûté leur poste à un secretaire d'État et aux chef d'état-major.

La perspective d'un renforcement de la formation des forces de sécurité afghanes provoque de plus un grand scepticisme au sein des Bundesländer, la police relevant des États-fédéraux, mais aussi chez les syndicats de policiers.

Le syndicat GdP dit voir d'un mauvais oeil que le gouvernement propose «des policiers allemands à la place de soldats lors des négociations internationales».