Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a fait son retour politique cette semaine, après un mois de convalescence, sans changer d'un iota ses projets, en premier lieu une réforme de la justice destinée, selon ses détracteurs, à enterrer les procédures à son encontre.

Un procès dans lequel il est accusé de corruption de témoins (affaire Mills) a repris ce vendredi à Milan (nord) et un autre pour fraude fiscale (affaire Mediaset) doit recommencer lundi. M. Berlusconi était absent vendredi lorsque la suite des audiences a été renvoyée au 27 février dans l'attente d'une décision de la Cour de cassation et sa présence aux premières audiences du procès Medias et était jugée improbable.

Mercredi, dans sa première conférence de presse de l'année, Berlusconi s'en est pris de nouveau à la magistrature, se disant victime d'«agressions» des juges «comparables, voire pires» à celle subie le 13 décembre à Milan (nord). Un déséquilibré lui avait alors lancé en plein visage une réplique de la cathédrale lombarde, lui fracturant le nez et lui cassant deux dents et l'obligeant à s'abstenir d'activité publique pendant un mois.

L'Association des magistrats (ANM) et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ont protesté contre ces déclarations.

Mais Berlusconi n'en a cure car «la réforme de la justice reste le phare immédiat de l'activité gouvernementale», a estimé Massimo Franco, éditorialiste du Corriere della Sera, en notant qu'il a utilisé devant la presse la formule tirée de l'Evangile «non prevalebunt» pour dire que ses ennemis «n'auront pas le dessus».

Malgré les critiques de l'opposition de gauche qui a dénoncé «un tsunami» de lois faites sur mesure, Silvio Berlusconi a fait programmer le vote pour dès mercredi prochain au parlement - où il dispose d'une solide majorité - d'une loi dite du «procès abrégé». Elle écourte à six ans les procédures (première instance, appel et cassation) quand la peine encourue est inférieure à 10 ans, ce qui entraînerait une prescription des accusations pesant sur le Cavaliere, au moins pour le procès Mills, selon des calculs d'experts.

Les avocats de Silvio Berlusconi et le ministre de la Justice Angelino Alfano ont préparé un autre texte de loi permettant au chef du gouvernement de ne pas assister aux audiences en arguant d'un «empêchement légitime» lié à ses fonctions.

«Il ne s'agit pas de lois faites pour un seul homme, mais pour nous la loi doit garantir le droit de gouverner», a déclaré M. Alfano.

Une réforme de la justice italienne est unanimement jugée nécessaire pour la rendre plus efficace et raccourcir les procédures. Mais pour Giacomo Marramao, professeur de philosophie politique à Rome, Silvio Berlusconi procède à un «habile mélange opportuniste entre de vrais arguments et des choix politiques liés à ses seuls intérêts».

Massimo Franco, du Corriere, trouve que «le ton utilisé» mercredi par le chef du gouvernement «montre qu'il veut en découdre avec ses adversaires, au parlement et dans la magistrature», avec son «agressivité habituelle».

En outre, il est en position de force sur le plan politique en l'absence d'une alternative à l'intérieur de son camp et dans l'opposition, selon les politologues.

«Avant, il était en grave difficulté pour ses relations avec des call-girls (l'une d'elles a raconté leurs ébats à la presse, ndlr) et le scandale de ses liens présumés avec la mafia mais l'agression a en quelque sorte nettoyé son image», a souligné M. Marramao.

Après sept mois de recul depuis avril 2009, et alors que sa cote de popularité était tombée à 45% en novembre, elle est remontée à 48% fin décembre, selon l'institut IPR.