La condamnation de l'Italie par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), pour la présence de crucifix dans les salles de classe, a soulevé mardi un tollé quasi-général dans un pays fortement marqué par le catholicisme.

La Cour de Strasbourg a jugé la présence de crucifix contraire au droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions et au droit des enfants à la liberté de religion. Dès l'annonce du verdict, contre lequel l'Italie va présenter un recours, la ministre de l'Education Mariastella Gelmini a dénoncé une décision «idéologique».

La croix --qui rappelle la crucifixion de Jésus-- «ne signifie pas une adhésion au catholicisme, mais c'est un symbole de notre tradition», a-elle affirmé.

Une position «partagée par la grande majorité des Italiens», selon Franco Garelli, professeur à l'université de Turin et spécialiste des religions, selon lequel 77% des Italiens étaient favorables en 2007 à la présence dans les classes de ce symbole, perçu comme «un signe culturel» qu'il n'«y a pas de raison d'ôter».

Pour ce professeur, les campaniles en Italie sont comme les minarets en Turquie, un élément d'identité, et «la majorité se reconnaît dans ces symboles, cette histoire».

«Personne, et encore moins une cour européenne idéologique, ne réussira à supprimer notre identité», a martelé Mme Gelmini qui a rappelé que la constitution italienne «reconnaît justement une valeur particulière à la religion catholique».

Depuis 1984, le catholicisme n'est officiellement plus la religion d'État en Italie, mais l'ordonnance adoptée dans les années 1920 sous le fascisme imposant la présence des crucifix dans les écoles n'a jamais été abolie.

La Cour de Strasbourg avait été saisie par une mère de famille italienne, Solie Lautsi, déboutée par la justice de son pays sur ce dossier.

Le jugement de la CEDH «vise à annuler nos racines chrétiennes (...) On est en train de créer une Europe sans identité ni traditions», s'est insurgée Alessandra Mussolini, petite-fille du dictateur italien et parlementaire.

Ce verdict «piétine nos droits, notre culture, notre histoire, nos traditions et nos valeurs», a renchéri le ministre chargé de la Simplification administrative, Roberto Calderoli, membre du mouvement populiste de la Ligue du Nord.

Même à gauche, le Parti démocrate (PD, principal mouvement d'opposition) a tenté de ménager aussi bien la CEDH que les catholiques majoritaires en Italie: la décision de la Cour représente «un choix hautement discutable» car «le projet européen n'est pas né pour diviser mais pour unir», a estimé la sénatrice Mariapia Garavaglia.

Les communistes du PDCI ont été pratiquement les seuls à se féliciter de la décision de la Cour de Strasbourg, qui «réaffirme la valeur de la laïcité de l'école et de l'État en tant que garantie essentielle de l'égalité des droits».

Le Vatican est resté discret. Son porte-parole, le père Federico Lombardi, s'est refusé dans l'immédiat à tout commentaire, tandis que le président du Conseil pontifical des migrants, Mgr Antonio Maria Veglio, s'est déclaré «très gêné» par cette affaire.

La Conférence épiscopale italienne (CEI) a exprimé son «amertume», dénonçant une vision «partielle et idéologique».

Relevant que les croix sont omniprésentes «sur les places et les rues» italiennes, Mgr Vincenzo Paglia, un des responsables de la CEI a déclaré à Radio-Vatican: «je ne crois pas que quelqu'un prétende les détruire parce qu'elles lèsent sa liberté de religion».