La bataille pour la présidence de l'UE fait désormais rage avec un premier duel entre le Britannique Tony Blair et le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui incarnent deux visions de l'Europe, en attendant peut-être l'entrée en lice du néerlandais Jan Peter Balkenende.

À l'approche d'un sommet des chefs d'État et de gouvernements de l'Union, jeudi et vendredi à Bruxelles, où le sujet sera abordé au moins en coulisses, les protagonistes commencent à se découvrir. «Si un appel m'était lancé, je n'aurais pas de raison de refuser de l'entendre. À condition qu'il soit sous-tendu par des idées ambitieuses pour ce poste», a annoncé M. Juncker dans un entretien publié mardi par le quotidien français Le Monde.

Il s'est posé clairement en rival de Tony Blair, qu'il a critiqué et dont la propre campagne semble monter en puissance.

Selon le quotidien britannique The Guardian, le premier ministre britannique Gordon Brown a demandé à deux de ses principaux conseillers de faire campagne dans les capitales européennes pour son prédécesseur au 10 Downing Street.

Dès lundi, David Miliband, le chef de la diplomatie britannique, était monté au créneau. «Le traité de Lisbonne nous donne l'occasion et la responsabilité de jouer un rôle important au niveau mondial. Nous avons besoin d'un leadership fort pour y parvenir», a fait valoir M. Miliband.

Derrière cette rivalité se cache une question de fond: quel type de président souhaite l'Union européenne? Un homme surtout charismatique, quitte à être controversé? Ou une valeur sûre de la cause européenne, mais peu connu sur la scène mondiale?

Instauré par le traité de Lisbonne, qui dépend encore de la signature du président eurosceptique tchèque Vaclav Klaus, le poste a des contours encore flous et le premier à occuper le fauteuil de président lui donnera sans doute une impulsion décisive.

Il n'avait été accepté qu'à contrecoeur par la plupart des États petits et moyens, attachés au système actuel de présidence semestrielle tournante et toujours inquiets d'un directoire des grands.

Les partisans de Tony Blair font valoir que l'ancien premier ministre a la stature internationale qui lui permettrait de parler d'égal à égal avec les États-Unis ou la Chine.

Ses détracteurs redoutent qu'il fasse de l'ombre aux autres institutions européennes et notamment au président de la Commission José Manuel Barroso. Et font valoir qu'il ne peut représenter l'Europe en venant d'un pays fortement eurosceptique, qui refuse de participer tant à l'euro qu'à la zone Schengen.

Les défenseurs de M. Juncker font valoir qu'avec le Luxembourgeois les «petits» pays, et les pro-européens seraient rassurés.

Le premier ministre luxembourgeois est le doyen des dirigeants européens en exercice. Ce qui est un avantage, mais aussi un inconvénient. «C'est l'Europe d'hier», confie un diplomate européen, peu enthousiaste.

Si M. Blair semble avoir de moins en moins de soutien, M. Juncker ne fait pas non plus l'unanimité. Et l'Europe hésite encore.

«Et pourquoi pas un troisième?», a dit mardi le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner à Luxembourg sur le ton de la plaisanterie. Les noms de M. Balkenende, ou de l'Autrichien Wolfgang Sch-ssel, sont évoqués.

Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini a semblé mardi pour sa part tempérer l'enthousiasme de son chef de gouvernement Silvio Berlusconi, qui soutient sans faille M. Blair.

«L'entrée en lice de M. Juncker et pourquoi pas de M. Balkenende change la donne. On ne peut pas imaginer une Europe divisée. Il faudra trouver un consensus», a-t-il dit.