La Commission européenne a haussé le ton mardi à l'égard du président tchèque eurosceptique et de ses tentatives de bloquer le traité de Lisbonne, mais l'UE risque de n'avoir d'autre choix que de céder du terrain pour sauver ce texte jugé vital pour son avenir.

«J'espère vraiment que la République tchèque va remplir ses obligations» en achevant la procédure nationale de ratification du traité «et que des obstacles artificiels ne seront pas posés à ce stade», a déclaré le président de l'exécutif européen José Manuel Barroso à La Presse à Bruxelles. Il s'exprimait après une entrevue avec le premier ministre tchèque Jan Fischer.

Le Portugais, visiblement très remonté, a exhorté le président Vaclav Klaus  à ne pas prendre le reste de l'Europe en otage et à respecter «les valeurs et principes» de l'UE.

Le gouvernement tchèque a déjà signé le traité de Lisbonne et les deux chambres du Parlement l'ont ratifié. Mais il manque encore la signature de M. Klaus, devenu aujourd'hui chef de l'État.

Europhobe, adversaire déclaré du texte, dans lequel il voit les germes d'un État supranational, il a décidé de monnayer chèrement son paraphe.

D'une part, il veut attendre que la Cour constitutionnelle de son pays se prononce sur un recours contre le traité déposé par ses amis politique. La juridiction a annoncé mardi qu'elle se pencherait dessus le 27 octobre, deux jours avant un sommet des dirigeants de l'UE à Bruxelles.

Surtout, il demande à présent une dérogation à la Charte des droits fondamentaux européens -qui fait partie du traité- à l'image d'exemptions obtenues en 2007 par la Grande-Bretagne et la Pologne.

Son objectif: empêcher que des descendants d'Allemands des Sudètes, expropriés au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, puissent s'appuyer sur la Cour européenne de justice pour demander réparation.

Le chef du gouvernement tchèque, qui gère les affaires courantes du fait de la crise politique dans son pays et est politiquement affaibli, veut tenter d'obtenir une concession à l'égard de son imprévisible président lors du sommet des 29 et 30 octobre.

Mais quelle forme prendre-t-elle? Si le président Klaus insiste pour avoir une garantie juridiquement aussi contraignante que celles octroyées à Londres et Varsovie, cela obligerait à recommencer les procédures de ratification dans toute l'UE. Ce qui est impensable.

Une solution de compromis envisagée passerait par une simple déclaration des dirigeants des 27 pays de l'UE fin octobre pour rassurer le président Klaus. Quitte à ce que son poids juridique soit augmenté ultérieurement.

Il n'est toutefois pas certain d'une part que cela suffise à l'intéressé, d'autre part que tous les États de l'UE acceptent de faire un geste à son égard par crainte de créer un précédent dangereux en cédant à un chantage.

Mais le président Klaus est en position de force car le feu vert des 27 pays de l'UE est indispensable pour permettre au traité de Lisbonne d'entrer en vigueur.

Or, c'est le président tchèque qui tient fermement le dernier stylo. Il peut théoriquement tenir en haleine le reste de l'UE jusqu'au retour au pouvoir au printemps 2010 des conservateurs britanniques, qui ont promis d'enterrer le traité de Lisbonne s'il n'est pas encore pleinement ratifié à cette date.

Déjà, le calendrier prévu à l'origine pour la mise en oeuvre du traité est chamboulé.

Les nominations aux postes emblématiques prévues par le texte, dont celui de président de l'UE, ne pourront se faire comme escompté fin octobre, mais au mieux en novembre, voire en décembre, soulignent des diplomates.