La police française a démantelé mardi matin la «jungle», un vaste camp à Calais (nord) où se massaient il y a encore quelques semaines des centaines d'Afghans voulant se rendre en Grande-Bretagne, et devenu un des symboles de l'immigration clandestine en Europe.

Lors de l'opération, qui a mobilisé quelque 500 policiers et duré deux heures, 276 migrants ont été arrêtés, dont 135 se déclarant mineurs, a indiqué le ministre de l'Immigration Eric Besson, qui avait annoncé ce démantèlement la semaine dernière.

Les forces de l'ordre avaient pris position peu avant 7H30 locales (1H30 HAE) autour de ce camp, une vaste friche sablonneuse sur laquelle s'entassent des taudis faits de bâches, de tôle et de planches de bois, dans une zone industrielle de cette ville portuaire.

Les migrants ont attendu les policiers, rassemblés derrière des banderoles en anglais et en pachtoune: «Nous avons besoin d'un abri et de protection. Nous voulons l'asile et la paix. La jungle est notre maison».

Ils n'ont opposé aucune résistance aux forces de l'ordre mais des militants altermondialistes de l'association No Border ont tenté d'empêcher les interpellations. Ce qui a contraint les policiers à extraire les migrants un à un de manière musclée. Un militant a été interpellé.

Les clandestins arrêtés «vont être entendus pour des auditions individuelles», a précisé le ministre lors d'une conférence de presse. «Les majeurs refusant toutes nos propositions seront ensuite placés en centres de rétention», tandis que les mineurs sont placés dans des centres d'hébergement, a-t-il dit.

Depuis le début de l'année, 170 demandes d'asile ont été enregistrées -avec délivrance d'un titre de séjour provisoire- et 180 clandestins ont accepté une proposition de «retour volontaire» comprenant une aide financière, selon lui.

Pour les autres, une solution de retour contraint est envisagée, a indiqué le ministre.

Après l'évacuation, des équipes spécialisées, aidées de trois bulldozers, ont entamé les opérations de déblaiement et de nettoyage du camp. La mosquée improvisée qui y avait été installée a, selon le ministre, «fait l'objet d'une précaution particulière»: son démontage «sera fait à la main et non au bulldozer».

«La jungle, c'est le camp de base des passeurs. Ce n'est pas un camp humanitaire. Il y a des chefferies, c'est la loi de la jungle qui règne», a-t-il commenté, ajoutant qu'il y aurait d'autres démantèlements de campements dans les jours à venir.

Londres a de son côté salué l'action «prompte et ferme» du gouvernement français, «qui perturbera les routes de l'immigration illégale et du trafic de personnes».

Mais, selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), le démantèlement de la «jungle» «ne résout pas (...) les problèmes des personnes concernées». Le HCR a demandé un «accès à une procédure équitable et complète de demande d'asile» pour ceux qui voudraient «le statut de réfugié.

Le démantèlement est intervenu sept ans après la fermeture du centre de la Croix-Rouge à Sangatte en 2002, décidée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur.

Les associations dénoncent des «interventions policières à courte vue» qui ne résolvent pas le problème et ne font que provoquer un éparpillement des clandestins sur les côtes du nord du pays. D'«autres jungles apparaîtront très vite», a averti le député socialiste Jack Lang.

Devenue emblématique de la détresse des clandestins cherchant à tout prix à passer en Angleterre, qu'ils perçoivent comme un «eldorado», la «jungle» est située à proximité des axes empruntés par les poids lourds en attente d'embarquer sur les ferries qui traversent la Manche.

Entre 700 et 800 migrants, dans leur immense majorité de jeunes Afghans de l'ethnie pachtoune, y vivaient avant l'annonce du démantèlement.

Photo AP

«La jungle», vue des airs.