L'Arménie et la Turquie ont annoncé lundi être parvenues à un accord en vue de l'établissement de relations bilatérales et de l'ouverture de leur frontière, un geste important visant à réconcilier les deux voisins, après des décennies de méfiance et de reproches mutuelles.

Dans un communiqué commun, les ministères des Affaires étrangères des deux pays ont fait savoir que l'Arménie et la Turquie étaient convenues d'entamer «des consultations politiques internes» sur deux protocoles, l'un sur l'établissement de relations diplomatiques et l'autre sur le développement de liens bilatéraux.

«Les consultations politiques seront achevées d'ici à six semaines, à la suite de quoi les deux protocoles seront signés et soumis aux parlements respectifs pour ratification», est-il écrit dans le communiqué.

La frontière entre les deux pays doit être ouverte «au cours de deux mois» qui suivront la mise en vigueur des protocoles, a précisé le ministère arménien des Affaires étrangères.

Les protocoles prévoient également la création d'une commission commune chargée d'examiner la «dimension historique» des désaccords entre l'Arménie et la Turquie, selon la même source.

Ankara n'entretient pas de relations diplomatiques avec Erevan depuis l'indépendance de l'Arménie en 1991 en raison de divergences sur la question des massacres d'Arméniens survenus dans l'Empire ottoman entre 1915 et 1917.

Les massacres et déportations d'Arméniens pendant cette période ont fait plus d'un million et demi de morts selon les Arméniens, 300 000 à 500 000 selon la Turquie, qui récuse la notion de génocide reconnue par la France, le Canada et le Parlement européen.

En outre, la Turquie a fermé sa frontière avec l'Arménie en 1993 en soutien à l'Azerbaïdjan, Bakou étant en conflit avec Erevan pour le contrôle de la région du Nagorny Karabakh, enclave peuplée d'Arméniens en territoire azerbaïdjanais.

Le voyage historique du président turc Abdullah G-l en Arménie en septembre 2008, à l'occasion du match de football entre les équipes nationales, a marqué le changement d'approche des deux pays.

Après ce déplacement, les contacts se sont multipliés, notamment au niveau ministériel, des pourparlers entre la Turquie et l'Arménie avec la médiation de la Suisse ayant abouti en avril à un accord sur une «feuille de route» en vue d'une normalisation de leurs relations.

Invité par son homologue turc à assister à un match de football Arménie-Turquie en octobre, le président arménien Serge Sarkissian a pourtant déclaré qu'il n'irait pas en Turquie, tant que les frontières ne seraient pas ouvertes entre les deux pays.

Les efforts en vue d'une normalisation bénéficient du soutien de Washington, le président américain Barack Obama ayant appelé les deux parties à trouver «rapidement» un accord, à l'occasion d'une visite en Turquie.

Mais le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré en mai que la Turquie n'ouvrirait pas ses frontières avec l'Arménie tant qu'Erevan ne retirerait pas ses troupes de la région séparatiste azerbaïdjanaise du Nagorny Karabakh.

L'Azerbaïdjan, riche en hydrocarbures, a déjà laissé entendre qu'il pourrait couper les livraisons de gaz à la Turquie, si Ankara n'évoquait pas le problème de Nagorny Karabakh, pendant les pourparlers avec l'Arménie.

Le projet d'établissement des relations bilatérales pourrait aussi faire face à l'opposition à l'intérieur des deux pays, où la question des massacres dans l'Empire ottoman reste très sensible.

Ainsi, la Fédération révolutionnaire arménienne (Dachnaktsoutioun), un des partis politiques les plus influents en Arménie, s'est retirée de la coalition gouvernementale en avril en signe de protestation contre les pourparlers avec Ankara.