Un «plouc» grotesque, à l'accoutrement démodé et à l'accent rocailleux, veut conquérir la chancellerie allemande. Angela Merkel peut toutefois se rassurer: il ne s'agit que d'une énorme farce, devenue un phénomène médiatique, qui vient dynamiser une campagne électorale ennuyeuse.

«Isch kandidiere!» («Cheu suis candidat»), proclame avec le plus grand sérieux, sur son site Internet et bientôt au cinéma, le bouffon Horst Schlämmer, incarné par le comédien Hape Kerpeling, et déjà une célébrité en Allemagne.

À la manière d'un «Borat» germanique, Horst Schlämmer passe au vitriol le monde «réel» de la politique: à la fois «conservateur, libéral, de gauche et un peu écologiste», il promet des financements publics pour les cabines à UV et la chirurgie esthétique.

Le candidat, affublé d'une moumoute grisonnante, d'un vieil imperméable et d'une dentition de cheval, a même trouvé un slogan très «obamien»: «Yes, Weekend !».

Aussi énorme soit-elle, la farce semble faire mouche. La première du long-métrage consacré à la campagne du «HSP», ou Horst Schlämmer Partei, le parti entièrement voué à la candidature du clown, a été un événement très «people» lundi à Berlin.

D'après un récent sondage publié par l'hebdomadaire Stern, 18 % des Allemands seraient prêts à voter pour Schlämmer... soit à peu près autant que pour le seul challenger de la chancelière Angela Merkel, le candidat social-démocrate, Frank-Walter Steinmeier.

Au début du mois, l'improbable aspirant chancelier a attiré 200 journalistes pour le lancement de sa campagne électorale, une conférence de presse retransmise en direct pendant deux heures sur les deux chaînes télévisées d'information en continu... La veille, les mêmes chaînes avaient choisi de ne diffuser que partiellement un important discours de M. Steinmeier.

Kerpeling n'est d'ailleurs pas le seul humoriste à surfer sur la vague des élections du 27 septembre. Une autre groupe de plaisantins, à l'humour particulièrement acerbe, a fondé «Le Parti», qui prône la reconstruction du mur de Berlin et l'expulsion de tous les retraités vers l'ex-RDA.

Dans un autre registre, une véritable candidate à la députation, la conservatrice Vera Lengsfeld, a réalisé un joli «coup» médiatique grâce à des affiches électorales où, sous le slogan «Nous avons davantage à offrir», elle apparaissait aux côtés de la chancelière Angela Merkel, les deux femmes présentant des décolletés plongeants.

Après un vif débat, les affiches seront finalement retirées. Mais l'anecdote a occupé pendant plusieurs jours une place de choix dans la presse allemande, qui peine à intéresser ses lecteurs à des élections qui doivent logiquement reconduire Mme Merkel à la tête du gouvernement.

Certains commentateurs soulignent d'ailleurs que cet humour électoral rencontre d'autant plus de succès que la vraie campagne ne suscite guère de vifs échanges entre les principaux adversaires.

«Nous sommes en campagne électorale, et personne ne veut y participer. S'il n'y avait Horst Schlämmer et le décolleté de Vera Lengsfeld, la plupart des gens ne s'en rendraient même pas compte», observait l'influent magazine Der Spiegel.

Pour Gero Neugebauer, politologue à l'Université libre de Berlin, «Schlämmer est une alternative à nos politiciens habituels, en costumes gris. Le caractère ennuyeux de la campagne (le) rend plus intéressant».

Le fait qu'un nombre non négligeable d'électeurs se déclare intéressé par sa candidature peut même selon lui être interprété, au moins partiellement, comme un «vote protestataire».

De ce point de vue, conclut-il, «mieux vaut Schlämmer que les fascistes».