Des députés de droite et de gauche ont dénoncé le port de la burqa en France, lançant jeudi un débat sur un phénomène dont l'ampleur est inconnue mais jugée «marginale» par les organisations musulmanes qui craignent «une stigmatisation de l'islam».

Une soixantaine de députés, dont de nombreux membres de la majorité UMP, ont signé la demande d'enquête parlementaire d'un député communiste, André Gérin, sur le port par certaines femmes musulmanes de la burqa ou du niqab, un voile qui les recouvre entièrement.

«La burqa, c'est un symbole de soumission, d'une pratique extrémiste d'une religion qui ne reconnaît pas à la femme tous ses droits», estime le député UMP Thierry Mariani qui a signé le texte.

«Il faut que les responsables politiques sortent de l'aveuglement», explique à l'AFP M. Gérin, élu d'une banlieue de Lyon (est) à forte population musulmane.

Admettant ne disposer d'aucun chiffre ou de rapport sur le sujet, il souligne que l'objectif d'une enquête est précisément d'en savoir plus.

«La coïncidence fait que je dépose cette demande de commission d'enquête au moment où (le président américain Barak) Obama en parle et au moment où (son homologue français Nicolas) Sarkozy court après Obama», ajoute-t-il.

M. Obama avait soulevé début juin la colère des féministes en France en critiquant l'interdiction du port du voile. Nicolas Sarkozy s'est dit d'accord avec lui en y mettant des réserves, à savoir le libre arbitre des femmes et les restrictions dans certaines administrations françaises, au nom de la laïcité.

Cette laïcité, pilier de la république française qui sépare l'Eglise et l'État, est un sujet extrêmement sensible dans ce pays où une loi qui avait donné lieu à un vif débat, interdit depuis 2004 le port de tout signe religieux «ostentatoire» à l'école.

Le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale Eric Besson a jugé «inopportun de relancer une polémique» sur les signes religieux. «Un équilibre a été trouvé en France et il serait dangereux de le remettre en cause», a-t-il estimé.

Il s'est déclaré «à titre personnel» opposé au port du voile intégral, comme le ministre de l'Education nationale Xavier Darcos qui a dit le considérer comme une forme d'«oppression» de la femme.

Plus tranchée, la secrétaire d'État à la Ville, chargée des banlieues, Fadela Amara, a salué l'initiative, estimant qu'il fallait «tout faire pour stopper la propagation des burqas», une «sorte de cercueil pour les femmes».

Un sentiment partagé par l'association de défense des droits de la femme Ni Putes Ni Soumise, dont Mme Amara a été une des fondatrices. L'association estime qu'il «ne faut pas avoir peur» de parler du voile intégral, «de rendre visible la réalité et la dégradation de la condition des femmes».

«Un phénomène marginal», a rétorqué le président du Conseil français du culte musulman, principale organisation musulmane de France, Mohammed Moussaoui, qui s'est dit «choqué» par ce projet.

Pour lui, «évoquer le sujet de cette façon, par le biais d'une commission parlementaire, revient à stigmatiser l'islam et les musulmans de France».

Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, s'étonne lui de voir resurgir ce débat qu'il pensait réglé par la loi de 2004.

Partisan d'un «islam du juste milieu», il dit son attachement à une France «terre d'intégration, laïque et non communautaire», où doivent se mêler différentes croyances, dont l'islam qui est la religion d'environ 5 millions de ses habitants.