La France a dénoncé mardi «l'ampleur de la fraude» qui aurait entaché l'élection présidentielle en Iran et a appelé Téhéran à faire le choix du dialogue pour éviter «l'impasse d'un durcissement».

Il s'agit du premier pays occidental à parler d'une vaste fraude au scrutin présidentiel iranien de vendredi.

Jusqu'à présent, les Etats-Unis comme l'Union européenne s'étaient montrés plus prudents dans l'expression, appelant le régime iranien à enquêter sur «d'éventuelles irrégularités».

«L'ampleur de la fraude est proportionnelle à la violence de la réaction», a déclaré le président français Nicolas Sarkozy au cours d'un déplacement au Gabon. «Ces élections sont une nouvelle exécrable (...) Le peuple iranien mérite autre chose». «C'est un drame mais ce n'est pas que négatif d'avoir un vrai mouvement d'opinion qui essaye de se décadenasser», a ajouté le président français.

Nicolas Sarkozy a aussi jugé «choquantes» les images d'affontements entre manifestants et forces de sécurité.

Le président français, qui avait le 3 juin, devant le chef de la diplomatie iranienne en visite à Paris, vivement critiqué des propos du président Mahmoud Ahmadinejad niant la Shoah, s'en est à nouveau pris mardi à son homologue.

«Si M. Ahmadinejad a fait tellement de progrès depuis les dernières élections, s'il représente deux tiers de l'électorat (...) pourquoi une telle violence?», s'est interrogé M. Sarkozy. «On n'a jamais vu une équipe gagner haut la main comme cela et avoir besoin de faire ça», a-t-il poursuivi au sujet de la répression des manifestations.

Devant l'Assemblée nationale française, son Premier ministre, François Fillon, a lancé «un appel aux autorités iraniennes pour qu'elles fassent le choix du dialogue» et évitent «l'impasse d'un durcissement».

 «L'Iran est une grande nation qui mérite une perspective politique constructive et qui mérite une confiance démocratique. Et aujourd'hui force est de constater que ni l'une ni l'autre ne sont assurées», a aussi déclaré le chef du gouvernement français.

Selon deux médias français, le quotidien Libération et l'hebdomadaire Le Canard enchaîné, le scrutin iranien aurait placé en tête Mir Hossein Moussavi devant le réformateur Mehdi Karoubi, Mahmoud Ahmadinejad n'arrivant qu'en troisième position et donc non éligible pour un deuxième tour. Libération cite des experts proches du ministère iranien de l'Intérieur.

Les partisans de Mir Hossein Moussavi, principal rival du président ultraconservateur, contestent la réélection de M. Ahmadinejad le 12 juin avec 63% des voix et manifestent depuis à Téhéran.

Sur un ton plus diplomatique, le président américain Barack Obama a réitéré mardi ses «profondes inquiétudes», tout en estimant qu'il ne serait «pas productif» pour les Etats-Unis de se mêler de politique intérieure iranienne.

Depuis l'accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007, la France est perçue comme en pointe dans la dénonciation de la volonté présumée de Téhéran de vouloir se doter de l'arme nucléaire. L'Allemagne, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ont la même volonté d'éviter un Iran nucléaire, mais leur expression publique reste plus mesurée.

Un haut responsable français, s'exprimant sous couvert d'anonymat, met cette perception sur le compte de la personnalité du président français, plus vif dans le verbe que ses homologues.