Continental, Molex, Caterpillar: trois grandes entreprises étrangères sont au coeur d'une nouvelle poussée de fièvre sociale en France, marquée par de nouvelles séquestrations de dirigeants et le saccage d'un bâtiment administratif.

Après les grèves, les blocages d'usine et sept cas de séquestration de dirigeants depuis début mars, la radicalisation a semblé franchir un nouveau pallier mardi lorsque des salariés de l'équipementier allemand Continental ont saccagé des bureaux de la sous-préfecture de Compiègne (nord), avant de s'attaquer au poste de garde de l'entreprise.

Ils réagissaient au rejet par la justice de leur demande de suspension ou d'annulation de la fermeture d'une usine située Clairoix, dans le nord de la France, où sont employées 1.120 personnes. La fermeture du site a été annoncée le 11 mars.

Face à ce durcissement de la contestation, le Premier ministre François Fillon a haussé le ton contre des actes qui «ne sont pas acceptables» et exposent leurs auteurs à des «poursuites judiciaires».

Mettant en exergue le rôle d'une «petite minorité» de salariés dans cette escalade, M. Fillon a admis que «même les organisations syndicales ont du mal à jouer leur rôle plein de médiateur dans cette crise».

Un constat partagé par le politologue Stéphane Rozès selon lequel «les syndicats sont bousculés par les réactions de la base».

«Les salariés doivent faire preuve d'imagination, de constance et de combativité pour passer le mur des médias et interpeller leur direction et le pouvoir politique» qui «semble coincé» et «réagit plus à la situation immédiate qu'il ne semble construire une cohérence pour l'avenir», estime le politologue interrogé par le quotidien Le Parisien.

La fermeture de leur usine Villemur-sur-Tarn (sud-ouest) à la mi-2009 a conduit les salariés de l'équipementier américain Molex à séquestrer deux dirigeants de leur entreprise, libérés mardi soir sur injonction de la justice après avoir été retenus pendant plus de 24 heures.

Les deux cadres ont quitté l'usine de connectique automobile sous les huées et les sifflets d'une centaine d'ouvriers qui dénonçaient les «patrons voyous».

Le personnel a décidé d'attendre la remise, le 13 mai, d'une expertise sur la légalité de la fermeture de leur usine avant de lancer de nouvelles actions.

Un autre conflit secoue depuis deux mois la filiale française du groupe américain Caterpillar dont quatre dirigeants ont été séquestrés fin mars. Les salariés ont rejeté mardi un plan de fin de crise pourtant signé par leurs syndicats, après l'entremise du gouvernement.

Selon un récent sondage, seuls 7% des Français condamnent les séquestrations de patrons par des salariés d'entreprises frappées par des plans sociaux.

Nourrie par les fermetures d'usines et les suppressions d'emplois, cette exaspération sociale est aussi alimentée par la rémunération des dirigeants qui s'octroient parfois des salaires exceptionnels ou des parachutes dorés lorsqu'ils doivent quitter leur entreprise.

Le Premier ministre a mis en garde mercredi contre des cas «choquants» qui peuvent «attiser la violence» et conduire à «des comportements dangereux pour l'économie française toute entière». Il a demandé au tout nouveau comité d'éthique de l'organisation patronale Medef de se saisir des cas les plus flagrants.