En ce jour d'investiture de Barack Obama, les Britanniques sont hantés par leur passé impérialiste. Car les ancêtres du premier président américain noir ont été marqués au fer par le colonialisme de l'ancien empire.

En 1949, le cuisinier de 54 ans d'un officier de l'occupation britannique au Kenya fut emprisonné et torturé pendant deux ans.

Son nom? Hussein Onyango Obama. Le grand-père paternel du futur président américain. Il était soupçonné d'être impliqué dans le mouvement indépendantiste qui couvait à l'époque. C'était à l'aube de l'insurrection Mau Mau, une rébellion qui poussa les forces coloniales britanniques à abandonner le Kenya une décennie plus tard.

La veuve de Hussein Onyango Obama a donné en décembre dernier au quotidien The Times des précisions sur les mauvais traitements subis par son mari. «Il était fouetté matin et soir. Parfois, les officiers blancs serraient ses testicules avec des pinces de métal», a raconté Sarah Onyango, 87 ans.

Or, les Britanniques sont inquiets d'avoir fait si mauvaise figure dans l'histoire ancestrale de Barack Obama. «Est-ce que la torture du grand-père d'Obama pourrait refroidir la relation spéciale entre les États-Unis et la Grande-Bretagne?», demandait le journaliste David Cohen dans l'Evening Standard vendredi dernier.

Dans son autobiographie Dreams from my Father, Barack Obama s'émeut des souffrances de son grand-père lors d'un périple au Kenya. À la libération d'Onyango, «il était très maigre et sale, écrit Obama. Il avait de la peine à marcher... À partir de ce jour, il fut un vieil homme.»

Son dédain est également palpable lorsqu'il relate une conversation avec un jeune Anglais «pâle et dégingandé» en route pour l'Afrique du Sud. Son interlocuteur suggère que les Sud-Africains s'en tiraient mieux sous l'apartheid que les Africains «des autres pays paumés». Troublé, Obama ressent une «bouffée de colère».

Barack Obama avait bien promis en mai dernier de rééquilibrer la relation entre les deux puissances, au grand soulagement des Britanniques. Toutefois, son choix de livrer un grand discours à Berlin plutôt qu'à Londres l'été dernier n'est pas passé inaperçu.

Les Britanniques peuvent dormir tranquilles, croit Wess Mitchell, cofondateur d'un groupe de réflexion américain situé à Washington. «M. Obama est un homme pragmatique et les fondations de nos relations transatlantiques sont très solides, dit l'expert du Center for European Policy Analysis. Il héritera de tellement de problèmes, il ne pourra se passer d'un allié si puissant.»

«Obama a rencontré son père seulement une fois, renchérit Stefan Halper, ancien conseiller de Ronald Reagan. Et l'emprisonnement de son grand-père remonte à plus d'un demi-siècle.»

Paranoïaques, les Britan-niques? Les premiers pas en politique étrangère de Barack Obama le diront.