La justice française a invalidé lundi en appel la décision controversée d'un tribunal d'annuler un mariage au motif que l'épouse avait menti sur sa virginité, et ce couple de musulmans se retrouve donc marié contre son gré.

Rejetée par son mari après qu'il eut découvert lors de leur nuit de noces qu'elle n'était pas vierge, une jeune femme avait accepté, après s'y être opposée, l'annulation du mariage réclamée en justice par son époux.

Le jugement de première instance, rendu public en mai dernier, avait suscité un tollé dans la classe politique et le monde associatif, la secrétaire d'Etat à la Ville Fadela Amara allant jusqu'à parler de «fatwa contre l'émancipation des femmes».

La ministre de la Justice Rachida Dati, elle-même musulmane, avait finalement demandé au parquet de faire appel du jugement du tribunal de Lille (nord), après avoir dans un premier temps estimé que cette décision de justice était «aussi un moyen de protéger la personne».

La virginité «n'est pas une qualité essentielle en ce que son absence n'a pas d'incidence sur la vie matrimoniale», a jugé la cour d'appel de Douai (nord), ajoutant que «le mensonge qui ne porte pas sur une qualité essentielle n'est pas un fondement valide pour l'annulation d'un mariage».

En première instance, le 1er avril, le tribunal de Lille avait annulé l'union pour «erreur sur les qualités essentielles du conjoint», rappelle la cour d'appel.

«Le procès tel qu'engagé par le mari et le jugement rendu (à Lille, NDLR) sont susceptibles de mettre en jeu des principes d'ordre public», note également la cour.

Les époux «sont toujours mariés à l'heure qu'il est», a simplement déclaré à l'AFP Me Xavier Labbée, l'avocat de l'époux, après avoir pris connaissance du jugement.

«Cet arrêt m'apparaît très inquiétant», a estimé Me Labbée, jugeant que «nos libertés individuelles (étaient) gravement menacées».

Me Labbée a critiqué la recevabilité de l'appel du parquet «dans un litige de pur droit privé relatif à l'intimité du couple».

Lors de l'audience en appel, qui s'était tenue le 22 septembre à huis clos, les avocats des deux époux, mettant notamment en avant d'autres motifs que le mensonge de l'épouse sur sa virginité, avaient reformulé la demande d'annulation du mariage.

Les époux, d'origine marocaine et musulmans, lui un informaticien âgé d'une trentaine d'années et elle une étudiante infirmière d'une vingtaine d'années, ont depuis les faits quitté le nord de la France.

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