Le président français Nicolas Sarkozy a toute latitude, semble-t-il, pour traiter un concitoyen de «pov'con». Malheur cependant au Français qui voudrait lui rendre la pareille. Hervé Éon, chômeur de 56 ans, vient de l'apprendre à ses dépens.

Un tribunal de Laval, dans l'ouest du pays, l'a condamné la semaine dernière à une amende de 30 euros (un peu moins de 50$) pour «outrage au chef de l'État».

Au coeur de ses démêlés avec la justice, une petite affiche sur laquelle il avait repris les mots que le politicien avait lancés en février dernier, devant les caméras, à un quidam qui refusait de lui serrer la main dans un salon d'agriculture.

La scène s'était rapidement retrouvée sur le web, devenant un succès instantané.

M. Éon se rendait en vélo le 28 août à une manifestation censée ponctuer le passage de M. Sarkozy, l'affiche cachée dans son manteau, lorsqu'il a été intercepté par des agents en civil. Il a brièvement eu le temps de brandir ses écrits d'une main avant d'être avisé qu'il serait accusé d'outrage pour son geste.

Le tribunal a statué que l'ancien militant socialiste avait cherché à offenser le président plutôt qu'à lui «donner une leçon de politesse incongrue» puisqu'il a omis d'inscrire sur son affiche «une formule du genre ''on ne dit pas''« pour signifier sa désapprobation face au langage coloré du chef d'État.

Le militant, soutenu par des milliers de personnes ayant signé une pétition en sa faveur, a déclaré qu'il ne se laisserait pas «intimider» par la justice et porterait le jugement en appel.

L'histoire ubuesque de M. Éon n'a rien d'original puisque le nombre de condamnations pour outrage ne cesse de se multiplier en France. En 2007, plus de 31 000 plaintes de cette nature ont été enregistrées contre 17 000,10 ans plus tôt.

Le Syndicat de la magistrature affirme que le gouvernement socialiste de Lionel Jospin a largement contribué à cette dérive en élargissant l'application de la notion d'outrage à «toute personne chargée d'une mission de service public». Un enseignant ou un contrôleur de métro peuvent du coup porter plainte s'ils estiment qu'on leur a manqué de respect. Seuls les «détenteurs de l'autorité publique», président en tête, étaient auparavant concernés.

Selon le Syndicat de la magistrature, la majorité des personnes mises en cause sont des jeunes de moins de 25 ans vivant dans des quartiers défavorisés où les rapports avec la police sont tendus.

Plusieurs personnes accusées d'outrage ont formé l'été dernier un collectif, le CODEDO, qui milite pour la dépénalisation de ce délit. Ses dirigeants relèvent que ce type d'accusation constitue une triste exception française puisque la plupart des États occidentaux l'ont depuis longtemps aboli.