Objectif: constituer une majorité. Les grandes manoeuvres ont commencé vendredi pour le congrès du Parti socialiste français, au lendemain du vote des militants qui a placé en tête la motion de Ségolène Royal avec une majorité relative de 29%.

Forte de ses quatre points d'avance sur Bertrand Delanoë et Martine Aubry, la finaliste de l'élection présidentielle de 2007 a entamé des contacts avec les autres motions afin de former une majorité pour gouverner le parti.Vainqueur-surprise du scrutin de jeudi soir, Ségolène Royal n'a pas tardé à lancer l'offensive, en posant en rassembleuse. «Ce que les militants ont voulu traduire dans ce vote, c'est une volonté profonde de changement. (...) Il va falloir que cette volonté soit respectée», a-t-elle dit vendredi matin sur France-Inter.

La présidente de la région Poitou-Charentes a entrouvert le «frigidaire» dans lequel elle avait mis en septembre sa candidature au poste de Premier secrétaire. «Ce résultat me donne une légitimité», a-t-elle convenu.

Mme Royal avance cependant avec prudence. Jouant collectif, elle a affiché sa volonté de «rassembler tous les talents», dans un esprit d'«unité» et «sans exclusive». Elle a donc décroché son téléphone pour contacter Bertrand Delanoë et Martine Aubry, arrivés ex-aequo avec 25% du vote des militants, Benoît Hamon, autre surprise avec 19%, sans oublier les deux «petits», Utopia et le Pôle écologique, 1,5% à 2% chacun selon les résultats, encore provisoires vendredi. La participation était de 55,38% des 233.000 militants susceptibles de voter.

Mais sa tâche s'annonce ardue, tant la situation est complexe au PS. S'il lui a donné une majorité relative, le vote de jeudi consacre aussi la balkanisation d'un parti en crise, éclaté en quatre grands courants et une multitude de sous-courants. En outre, le «TSR» (tout sauf Royal) est encore vivace au sein du parti 18 mois après la présidentielle, perdue en partie du fait des tensions entre le parti et sa candidate.

Désavoué par le scrutin, François Hollande, Premier secrétaire sortant et soutien de Bertrand Delanoë, n'a pas caché ses réticences à voir son ex-compagne lui succéder. Les idées de Ségolène Royal «ne sont pas majoritaires», a-t-il minimisé sur RTL.

Soucieux de ne pas donner aux Français l'image d'un congrès de Rennes-bis, le député de Corrèze n'en a pas moins affiché lui aussi son souhait d'un «rassemblement» des quatre principales motions avant ou pendant le rendez-vous du 14 au 16 novembre. Sinon, «le PS aura des jours difficiles».

Les autres courants ont commencé à faire monter les enchères. Un accord semble d'ores et déjà difficile avec Bertrand Delanoë, dont la conception du parti est aux antipodes de celle de Mme Royal. Dans son unique réaction après sa cinglante défaite, le maire de Paris a exclu «toute perspective d'alliance avec un parti qui ne s'assumerait pas clairement de gauche», en clair, avec le MoDem de François Bayrou.

Martine Aubry, qui a réuni ses amis vendredi à déjeuner, attend de voir. «On écoute et on attend, mais on n'ira pas dans un rassemblement qui donne l'impression de se rassembler pour se rassembler», prévient le fabiusien Claude Bartolone. Les «aubrystes» doutent fortement de la sincérité du virage à gauche opéré par l'ex-candidate pendant la crise financière.

Candidat déclaré au poste de Premier secrétaire, Benoît Hamon souhaite lui aussi que Mme Royal clarifie la question d'une alliance avec le centre et réclame un changement de ligne politique et d'équipe.

Une alliance entre Mme Royal et le leader de l'aile gauche du PS pourrait paradoxalement être facilitée par la décision de Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez, signataires de la motion Hamon, de quitter le parti. Les deux parlementaires, qui incarnaient l'extrême gauche du PS, ont claqué la porte pour fonder un nouveau parti, voyant dans le vote la victoire de la «social-démocratie européenne».

Si elle renonce à être candidate, Mme Royal pourrait se retrancher derrière un Premier secrétaire plus consensuel issu de sa motion. Les noms de Vincent Peillon, François Rebsamen et Julien Dray sont avancés. «Aucun n'est l'incarnation du rassemblement», répond M. Bartolone. Le successeur de François Hollande sera élu le 20 novembre par un nouveau vote des militants.