Que ce soit en Floride ou ailleurs dans le monde, quel que soit le type de catastrophes naturelles auxquelles les communautés font face, il y a toujours des leçons à en tirer afin d’être mieux préparé pour l’avenir. Et cela peut se faire avec élégance. La Presse en a parlé avec deux experts.

Question. En Floride, est-il possible de mieux se préparer pour faire face aux ouragans ?

Réponse. « Nous avons eu beaucoup de discussions à cet effet au fil des ans, car la majorité de la population vit le long des côtes de l’État et c’est là que les ouragans frappent le plus fort, rappelle Jeffrey Lindsey, professeur au College of Design, Construction and Planning de l’Université de la Floride et spécialiste des mesures d’urgence. À la suite de l’ouragan Andrew, plusieurs codes locaux du bâtiment ont été renforcés, notamment en ce qui a trait à la résistance des toitures et de la fenestration. Maintenant, on doit examiner davantage la question de l’élévation des résidences. C’est devenu un grand enjeu avec les ondes de tempête. »

Justement, a-t-on trop longtemps négligé l’effet des inondations ?

Selon Isabelle Thomas, professeure titulaire à la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, les gens et les collectivités ont longtemps vécu avec un « faux sentiment de sécurité » en contractant des assurances et en s’en remettant à l’aide fédérale pour être dédommagés en cas de catastrophe. Mais après l’ouragan Katrina (Louisiane, 29 août 2005), les choses ont changé. « On s’est rendu compte à quel point les évènements sont coûteux, non seulement en pertes de bâtiments, mais en santé publique, en environnement, etc., dit-elle. Depuis, la FEMA [Agence fédérale de gestion des urgences] agit davantage en anticipation des enjeux afin de s’adapter aux changements climatiques ou, malheureusement, à une mauvaise utilisation du territoire. »

Qu’entendez-vous par mauvaise utilisation du territoire ?

« On ne peut pas juste remettre la faute sur les changements climatiques, répond Mme Thomas. C’est aussi notre utilisation du territoire qui pose problème. On construit parfois trop près des côtes ou carrément dans les rivières. L’État fédéral américain a réfléchi et pris des actions en proposant aux citoyens, aux municipalités ou aux régions des bourses pour s’adapter. Si un citoyen fait un effort d’adaptation, sa prime d’assurance va baisser. »

Il existe des exemples d’adaptation ?

Bien sûr, continue Mme Thomas qui a longtemps habité La Nouvelle-Orléans. « Une subvention de 141 millions a été accordée au Gentilly Resilience District de La Nouvelle-Orléans pour l’adapter aux inondations. J’y suis retournée en mars avec deux étudiantes et j’ai été agréablement surprise des résultats, d’autant plus qu’on trouve des solutions basées sur la nature, comme le captage de millions de gallons d’eau. Ils ne sont pas allés vers des infrastructures lourdes comme des digues. »

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE CONSTRUCTION21

Un aspect du quartier Romo1 de Romorantin après la crue de 2016

On peut donc s’équiper contre les inondations en faisant du beau ?

« Bien sûr ! C’est l’objectif, dit Mme Thomas. Je donne souvent le cas du quartier Matra à Romorantin [Loir-et-Cher, au cœur de la France], développé par mon collègue Éric Daniel-Lacombe en collaboration avec l’État et le maire de la ville. Avec un architecte-paysagiste, ils ont pensé à un projet résilient sur un territoire à risque moyen et ont construit de beaux logements sociaux et abordables qui ont le même type d’architecture que les autres logements. On doit tous avoir accès à une urbanisation de qualité et sécuritaire. »

Revenons à la Floride. Que faut-il améliorer dans l’avenir ?

« On doit travailler à de meilleurs protocoles d’évacuation, estime Jeffrey Lindsey. Avec la magnitude des évènements, nous éprouvons encore des difficultés à bien évacuer les régions. D’autant plus que la Floride est une péninsule et qu’il est difficile de faire sortir tout le monde en même temps. De plus, il y a beaucoup de personnes âgées dans l’État. Nous devons améliorer nos habiletés pour les faire bouger tout en tenant compte de leurs conditions médicales. Enfin, on doit mieux éduquer nos citoyens sur ce qu’ils doivent faire. »

En savoir plus
  • Quartier Matra à Romorantin
    Ce quartier a été aménagé en 2011 sur le site d’une ancienne usine en étant conçu comme un affluent de la rivière Sauldre. En 2016, la Sauldre a débordé, et la ville a connu la pire crue de son histoire. Dans Matra, les dégâts ont été limités.
    SOURCES : Libération, La Nouvelle République et francevilledurable.fr
    Ouragan Andrew
    Le lundi 24 août 1992, l’ouragan de catégorie 5 Andrew frappe Key West et le comté de Miami-Dade avec des vents de 265 km/h. L’ouragan fait 65 morts aux Bahamas, en Floride et en Louisiane et provoque des dommages estimés à 27 milliards.
    SOURCE : National Weather Service