(Los Fresnos) Attendre des semaines, voire des mois, pour obtenir l’asile ou être expulsé : tel est le destin des migrants détenus au centre de rétention de Port Isabel, au Texas, dans le sud des États-Unis.  

Un sort auquel la fermeture temporaire de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, instaurée par le président Joe Biden depuis mercredi, ne change rien.

Entourée d’immenses clôtures métalliques et de barbelés, cette ancienne base navale de la ville de Los Fresnos, à quelques kilomètres de la frontière, est quasiment pleine : 1006 migrants, tous des hommes, y sont actuellement détenus pour un maximum de 1175 places.

Les autorités y ont organisé une visite pour les médias, sans les autoriser à parler avec les détenus.

« Chaque cas est jugé selon ses propres mérites et tant que les États-Unis ont des raisons valables de ne pas procéder à l’expulsion d’une personne vers son pays d’origine, nous avons l’autorisation légale de la détenir », explique Miguel Vergara, un responsable local de la police de l’immigration.

En théorie, le séjour d’un détenu ne devrait pas dépasser 90 jours. Mais dans les faits, beaucoup font appel et sont encore retenus de longs mois.

Seuls les migrants les plus isolés finissent derrière les épais murs de ce centre de rétention. Les familles qui pénètrent aux États-Unis et se rendent aux garde-frontières sont en général rapidement libérées, dans l’attente d’une comparution ultérieure devant un juge.

« Question de temps »

Le tour de vis de Joe Biden est censé réduire la pression à la frontière mexicaine, où affluent un nombre record de personnes venues d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie.  

Le décret du président empêche les migrants entrés illégalement sur le territoire américain de bénéficier du droit d’asile lorsque leur nombre dépasse les 2500 par jour pendant une semaine, ce qui est actuellement le cas.

PHOTO VERONICA G. CARDENAS, AGENCE FRANCE-PRESSE

En théorie, le séjour d’un détenu ne devrait pas dépasser 90 jours. Mais dans les faits, beaucoup font appel et sont encore retenus de longs mois.

Le texte facilite aussi les expulsions vers le Mexique, à quelques rares exceptions près.

A quelques mois d’une élection présidentielle face à un Donald Trump à la rhétorique violente contre les migrants, le durcissement de Joe Biden ne devrait pas faire diminuer la population du centre, selon Miguel Vergara.

« S’il y a une baisse, elle est temporaire », estime le responsable. Les passages frontaliers s’effectuent de plus en plus sur la partie ouest de la frontière, plutôt qu’au Texas, rappelle-t-il.  

Selon lui, « ce n’est qu’une question de temps avant que les structures de l’ouest ne soient pleines et que leurs détenus ne commencent à être transférés ici. Ils nous ramèneront à la capacité maximale. »

Dès leur arrivée, les migrants sont envoyés dans des cellules collectives dotées d’épaisses portes métalliques.  

Ils y restent 12 heures au maximum avant d’être classés par couleurs : uniforme bleu pour les hommes sans histoire, orange pour ceux avec un casier judiciaire, rouge pour ceux considérés comme dangereux.

« Risque »

« Nous avons des détenus qui représentent un risque pour la sécurité nationale et la sécurité publique, qui tentent de se soustraire aux contrôles frontaliers ou qui ont franchi illégalement la frontière », explique Miguel Vergara.

Après un examen médical, ils sont répartis par secteurs en fonction de la couleur de leur uniforme. Des caméras de surveillance couvrent presque tous les recoins du centre.

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De l’aveu même des autorités, l’enfermement peut s’avérer aliénant et des mesures visent à atténuer ses effets.  

Les migrants peuvent apprendre l’anglais et participer à des ateliers de chant ou de guitare.

Certains se chargent de couper les cheveux de leurs pairs ou organisent des soirées cinéma. Un film en chinois a même été diffusé lorsque le centre recevait un grand nombre de migrants de Chine.

D’autres tuent le temps en se consacrant à la réalisation de peintures murales.

Chacun a accès à une cabine privée, où il peut appeler un responsable de l’immigration afin d’exposer sa demande d’asile.

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Les migrants détenus peuvent s’entretenir avec un responsable de l’immigration dans une de ces cabines.

La réponse est donnée par écrit. En cas de refus, il est possible de faire appel : un tribunal exerce à l’intérieur du centre. L’affaire peut parfois aller jusqu’à la Cour suprême.

Ceux qui ne supportent pas l’attente peuvent demander à être renvoyés dans leur pays, mettant fin à la procédure.

Un refus définitif est synonyme d’expulsion. Si l’asile est accordé, le détenu sera finalement libéré sous 48 heures.