Les exécutions sont en déclin aux États-Unis. Mais le recours à la peine capitale continue de séduire une partie des Américains. Si les démocrates déplorent que Joe Biden n’ait pas tenu sa promesse d’abolir cette sanction pour les crimes fédéraux admissibles, des conservateurs poussent une possible administration Trump à mettre les bouchées doubles pour exécuter ces condamnés en cas d’élection.

La peine de mort est-elle populaire aux États-Unis ?

De manière générale, elle est en perte d’appuis, même si elle demeure populaire dans certains États. Elle continue par exemple d’avoir le soutien d’une majorité en Alabama, où a eu lieu la semaine dernière la deuxième exécution de l’année dans l’État.

« On va parler des exécutions dans les nouvelles, mais ce ne sont pas les nouvelles les plus importantes, ce n’est pas un sujet dont les gens parlent beaucoup », illustre Richard Fording, professeur de science politique à l’Université de l’Alabama.

Pour l’ensemble des États-Unis, l’appui à la peine de mort est passé de 80 % en 1994 à 53 % en 2023, selon les sondages de la firme Gallup.

Même si elle reste une peine possible à imposer dans 27 États, 6 d’entre eux ont décidé d’y mettre officiellement une pause.

Dans les faits, une minorité d’États applique réellement le châtiment.

Qu’est-ce qui a influencé la position des Américains au cours des ans ?

« Nous savons maintenant que nous ne réussissons pas toujours à avoir le bon verdict », commente Robin M. Mahler, directrice exécutive du Death Penalty Information Center (DPIC), qui compile des données sur la peine de mort. Les condamnations et les exécutions de personnes innocentes ont secoué l’opinion publique. Les ratages techniques aussi.

Le rôle du racisme dans les condamnations à mort a également fait l’objet d’études : la peine capitale a été davantage exécutée lorsque la victime du condamné était blanche, par exemple. Le milieu social des criminels a aussi une incidence.

De l’autre côté, pour les conservateurs, il s’agit d’une mesure punitive nécessaire par rapport à la gravité du crime commis, dans un pays où les peines sont, en général, particulièrement dures.

En Alabama, il y a beaucoup d’évangéliques, rappelle M. Fording. « Les chrétiens conservateurs chérissent beaucoup l’Ancien Testament avec sa notion d’œil pour œil, dent pour dent », explique-t-il.

Qu’arrive-t-il aux condamnés à mort dans les États qui ne procèdent pas aux exécutions ?

Le nombre de condamnations à mort est passé de 166 en 2022 à 21 en 2023. Mais plus de 2200 personnes étaient toujours dans le couloir de la mort à la fin de l’année 2023 – plus du quart se trouvait en Californie, où le gouverneur a signé un moratoire en 2019.

« C’est un grand paradoxe, mais la grande majorité des gens condamnés à mort aux États-Unis ne sont pas exécutés et ne le seront jamais, note Mugambi Jouet, du département de droit de l’Université de Californie du Sud. Ils meurent de “cause naturelle”, derrière les barreaux, puisqu’en pratique, une condamnation à mort équivaut à une condamnation à perpétuité. »

Ces peines sans possibilité de libération conditionnelle – inconstitutionnelles au Canada – sont d’ailleurs une solution privilégiée pour des crimes graves par 60 % des Américains, selon Gallup.

Quelles sont les positions de Donald Trump et de Joe Biden sur la question ?

Donald Trump n’a pas caché son soutien à la peine de mort, qu’il aimerait voir appliquée à un plus grand nombre de crimes. Lors de son passage à la Maison-Blanche, les protocoles ont été modifiés pour faciliter les exécutions pour les condamnés à mort de crimes fédéraux.

Un groupe de conservateurs a publié un « projet de plan de transition » en cas de victoire de Donald Trump, le Project 2025. Ils y soulignent qu’en cas d’élection, l’administration devrait faire tout en son pouvoir pour exécuter les 44 prisonniers fédéraux actuellement dans le couloir de la mort.

Joe Biden a fait campagne en 2020 en promettant d’abolir la peine de mort au fédéral. Un moratoire a été annoncé peu après, mais n’a pas tenu : en janvier, le département de la Justice a demandé de pouvoir réclamer la peine de mort contre l’auteur présumé d’une tuerie à Buffalo, pour crimes haineux, notamment.

Est-ce un enjeu électoral ?

Pas pour la course à la présidence. Mais la peine de mort peut compter dans certaines élections plus locales. « Les États-Unis sont le seul pays au monde où les procureurs et les juges sont élus », rappelle M. Jouet. Or, ce sont les procureurs qui décident s’ils demandent la peine de mort.

Les déclarations sur la peine de mort s’inscrivent, de manière générale, dans une approche intransigeante envers les criminels mise de l’avant par les républicains, souligne le professeur agrégé.