(Washington) Un diagnostic de cancer tenu secret et deux hospitalisations passées sous silence : les problèmes de santé du chef du Pentagone valent à Joe Biden, déjà en butte aux accusations de faiblesse par l’opposition républicaine, le premier couac sérieux au sein de son gouvernement.

Depuis trois ans, l’exécutif mené par le démocrate de 81 ans a fait montre d’une discipline quasiment parfaite, du moins vu de l’extérieur, contrastant avec les remaniements et crises à répétition dans l’équipe de son prédécesseur Donald Trump.

Mais cette image de machine bien huilée a été mise à mal ces derniers jours par les révélations concernant Lloyd Austin, ministre de la Défense de 70 ans.

Ce dernier, apprenant début décembre qu’il souffrait d’un cancer de la prostate, a été opéré le 22 décembre, sous anesthésie générale, puis hospitalisé à nouveau à partir du 1er janvier en raison de complications.

De tout cela, le président américain, pendant longtemps, n’a rien su.

Ce n’est que le 4 janvier qu’il a été averti que le chef du Pentagone se trouvait à l’hôpital militaire Walter Reed, près de Washington. Et ce n’est que mardi que Joe Biden a été informé du diagnostic initial.

« Légèreté »

Le tout alors que les États-Unis sont en première ligne des grandes crises internationales, eux qui soutiennent militairement l’Ukraine face à la Russie, et Israël face au Hamas.

Un porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby, a laissé pointer un certain agacement mardi, en admettant que tout ceci n’était « pas idéal ».

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Le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby

Mais pour l’heure le président n’a pas sanctionné cette communication calamiteuse, ni le chef du Pentagone, qu’il connaît depuis longtemps, mais qui, selon les éditorialistes américains, ne fait pas pour autant partie de son cercle le plus rapproché.

« Ce qui est incroyable ce n’est pas qu’Austin ait négligé d’informer ses équipes ou la Maison-Blanche. C’est la légèreté avec laquelle l’administration traite l’incident », critique Bret Stephens, un éditorialiste conservateur du New York Times.

La Maison-Blanche, à la suite du couac, a toutefois lancé un examen des procédures de délégation d’autorité dans les ministères et agences gouvernementales.

L’exécutif américain assure que les décisions et procédures de la plus puissante armée du monde n’ont pas été compromises.

Lloyd Austin a participé à un appel sécurisé avec Joe Biden – lui-même en vacances dans les îles Vierges américaines à ce moment-là – le 1er janvier, peu avant d’être admis à nouveau à l’hôpital.

Quant à la frappe américaine qui, le 4 janvier, a tué à Bagdad le chef d’une faction pro-iranienne, elle avait été autorisée avant que le chef du Pentagone ne soit de nouveau hospitalisé, assure le ministère de la Défense.

« Plus jamais »

À partir du 2 janvier, selon le Pentagone, c’est l’adjointe de Lloyd Austin, Kathleen Hicks, qui a assuré ses fonctions quelques jours, prenant quelques décisions « de routine ».

M. Austin est resté hospitalisé mercredi et « se porte bien », a fait savoir le porte-parole du Pentagone, Pat Ryder dans un communiqué, ajoutant que le ministre était en contact avec ses équipes et tenu au courant des opérations.  

Mardi, depuis l’hôpital, Lloyd Austin a d’ailleurs participé à un briefing téléphonique avec Joe Biden, consacré aux attaques de navires en mer Rouge par les houthis.

Alors que l’Amérique entame une année électorale qui culminera avec la présidentielle et les législatives de l’automne, l’opposition républicaine s’est emparée du sujet, à commencer par Donald Trump qui réclame le départ de Lloyd Austin.

Les conservateurs voient aussi dans cette affaire une illustration de la faiblesse voire de la lucidité déclinante qu’ils attribuent à Joe Biden.  

« Qui est réellement surpris que Joe Biden n’ait pas su où se trouvait Lloyd Austin ? » a ironisé Jim Jordan, un élu républicain, et un autre compte officiel du parti conservateur a renchéri en publiant un court extrait vidéo dans lequel le président américain apparaît désorienté à sa descente d’hélicoptère.

Au sein même du parti présidentiel, l’élu de Pennsylvanie Chris Deluzio a lui aussi appelé mercredi à la démission du chef du Pentagone.  

« J’ai perdu confiance dans le leadership du ministre de la Défense Lloyd Austin en raison du manque de transparence vis-à-vis de ses récents problèmes médicaux », a déploré l’élu démocrate sur X.