(New York) On ne peut guère imaginer une accusation plus grave à l’encontre d’un ancien président des États-Unis, qui tente de surcroît de retourner à la Maison-Blanche.

Dans la capitale d’un pays où la passation pacifique du pouvoir a longtemps été source de fierté, Donald Trump a été inculpé mardi par un grand jury pour ses efforts visant à s’accrocher à la présidence après sa défaite contre Joe Biden lors de l’élection présidentielle de 2020.

Efforts alimentés par des « mensonges » qui ont mené à l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole des États-Unis, où se déroulait la certification des résultats du scrutin.

Il s’agit de la troisième inculpation visant Donald Trump après celles qui ont découlé des affaires Stormy Daniels à New York et des documents classifiés en Floride. Mais les deux premières inculpations, aussi sérieuses soient-elles, ne touchent pas au fondement de la démocratie américaine, comme celle-ci.

« Malgré sa défaite, l’accusé était déterminé à rester au pouvoir », peut-on lire dans l’acte d’accusation de 45 pages rédigé par le procureur spécial Jack Smith, également chargé de l’enquête sur l’affaire des documents classifiés. « Ainsi, pendant plus de deux mois après le jour des élections de novembre 2020, l’accusé a répandu des mensonges selon lesquels il y avait eu une fraude ayant changé le résultat des élections et qu’il avait en fait gagné. Ces affirmations étaient fausses et l’accusé savait qu’elles étaient fausses. »

Donald Trump devra répondre à quatre chefs d’accusation : complot visant à frauder les États-Unis, complot visant à menacer les droits d’autrui, complot visant à entraver une procédure officielle devant le Congrès et entrave à une procédure officielle.

L’acte d’accusation fait référence à six coconspirateurs sans les nommer. À partir des descriptions que le document en donne, on peut cependant reconnaître les avocats Rudolph Giuliani, John Eastman et Sidney Powell, de même que Jeff Clark, ancien responsable au sein du ministère de la Justice.

Aucun des coconspirateurs n’a été inculpé. Cette décision signifie peut-être que Jack Smith nourrit encore l’espoir d’obtenir leur coopération.

« L’attaque contre la capitale de notre pays le 6 janvier 2021 a été une attaque sans précédent contre le siège de la démocratie américaine », a-t-il déclaré lors d’une brève intervention. « Comme le décrit l’acte d’accusation, elle a été alimentée par les mensonges de l’accusé visant une fonction fondamentale du gouvernement américain, des mensonges visant le processus de collecte, de comptage et de certification des résultats de l’élection présidentielle. »

Plus tard, il a ajouté : « Notre enquête sur d’autres individus se poursuit. »

De Bedminster, site de son club de golf au New Jersey, Donald Trump a comparé sa nouvelle inculpation aux abus de « l’Allemagne nazie dans les années 1930, de l’ex-Union soviétique et d’autres régimes autoritaires et dictatoriaux ».

« Ces chasses aux sorcières antiaméricaines échoueront et le président Trump sera réélu à la Maison-Blanche afin qu’il puisse sauver notre pays des abus, de l’incompétence et de la corruption qui coulent dans les veines de notre pays à des niveaux jamais vus auparavant », a-t-il ajouté sur Truth Social.

Plusieurs alliés de l’ancien président se sont portés à sa défense, comme ils l’avaient fait lors de ses inculpations précédentes.

« Tout le monde en Amérique pouvait voir ce qui allait suivre : la tentative du ministère de la Justice de détourner l’attention de l’actualité et d’attaquer le favori de la course à l’investiture républicaine, le président Trump », a écrit le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, sur la plateforme X, l’ancien Twitter.

« Les républicains de la Chambre continueront de découvrir la vérité sur Biden inc. et le système de justice à deux niveaux », a-t-il ajouté en faisant allusion aux enquêtes de ses collègues sur les affaires de la famille Biden.

La troisième inculpation de Donald Trump tombe deux jours après la publication d’un sondage New York Times/Sienna College lui donnant une large avance sur ses rivaux dans la course à l’investiture républicaine.

L’un d’eux, Ron DeSantis, a réagi sur X en promettant non seulement de lutter contre « l’instrumentalisation du gouvernement », mais également d’adopter « des réformes pour que les Américains aient le droit de transférer des causes de Washington DC vers leurs districts d’origine ».

« Washington DC est un “marécage” et il est injuste d’avoir son procès devant un jury qui reflète la mentalité du marécage », a-t-il écrit après avoir précisé qu’il n’avait pas lu l’acte d’accusation.

Mike Pence, que Donald Trump a soumis à des pressions détaillées dans l’acte d’accusation, a été beaucoup moins compréhensif.

« L’acte d’accusation d’aujourd’hui est un rappel important : quiconque se place au-dessus de la Constitution ne devrait jamais être président des États-Unis », a-t-il déclaré.

En vacances à Rehoboth, au Delaware, Joe Biden a maintenu son mutisme concernant les ennuis judiciaires de son adversaire potentiel de 2024. Après un repas au restaurant avec Jill, il est allé voir le film Oppenheimer.

Mais les chefs de file démocrates au Congrès ont diffusé une déclaration commune, affirmant que « la troisième inculpation de M. Trump illustre avec des détails choquants que la violence [du 6 janvier 2021] était l’aboutissement d’un complot criminel de plusieurs mois mené par l’ancien président pour défier la démocratie et renverser la volonté du peuple américain ».

L’acte d’accusation reprend dans le détail plusieurs épisodes dévoilés par les médias ou la commission spéciale de la Chambre des représentants sur le 6-Janvier concernant les efforts de Donald Trump pour s’accrocher au pouvoir.

Il contient cependant au moins un élément inédit : dans les moments qui ont suivi l’émeute au Capitole, le conseiller juridique de la Maison-Blanche Pat Cipollone a prié le président de retirer son objection à la certification des résultats par le Congrès.

« L’accusé a refusé », peut-on lire dans l’acte d’accusation.

Donald Trump pourrait écoper d’une quatrième inculpation en Géorgie au cours des prochains jours pour ses efforts visant à renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 dans cet État. En attendant, il devra se présenter jeudi à Washington pour sa mise en état d’arrestation. Sa cause sera entendue par une juge choisie au hasard, en l’occurrence Tanya Chutkan, qui a été nommée à son poste en 2014 par Barack Obama.

La juge Chutkan est déjà intervenue dans une cause où Donald Trump tentait d’empêcher la Commission du 6-Janvier d’avoir accès à des dossiers remontant à sa présidence.

« Les présidents ne sont pas des rois, et le plaignant n’est pas président », a-t-elle écrit en déboutant l’ex-président.