(Paris) Les États-Unis ont officiellement rejoint vendredi l’UNESCO, qu’ils avaient quittée sous la présidence de Donald Trump, après un vote plébiscite des États-membres de cette organisation onusienne basée à Paris, et malgré l’opposition de la Russie et de la Chine.

Quelque 132 États ont voté pour ce retour américain, 15 se sont abstenus et dix s’y sont opposés.

« Nous sommes vraiment heureux de ce soutien. […] Il est tellement important pour nous de faire partie de cette organisation multilatérale », que « nous sommes honorés d’intégrer à nouveau », a commenté l’ambassadrice des États-Unis en France, Denise Bauer, à l’AFP.

« C’est un grand jour, un moment historique », a salué devant la presse la directrice générale de l’UNESCO Audray Azoulay, notant une « réponse extrêmement claire, favorable à plus de 90 % des États votants et présents ».

Nombre d’entre eux ont dit leur satisfaction après le vote. « Tous à l’intérieur [de l’UNESCO], c’est bien mieux », a réagi une diplomate argentine. « Ce retour renforce le multilatéralisme » et les finances de l’organisation, a salué un diplomate espagnol. « Nous disons “ akwaba ”, ou “ bienvenue ”, aux États-Unis », a déclaré une diplomate ivoirienne.

Plusieurs pays comme l’Iran, la Syrie, la Chine, la Corée du Nord et surtout la Russie ont toutefois manifesté leur opposition de principe, quand la conférence générale extraordinaire de l’UNESCO organisée sur deux jours semblait acquise au retour américain.

La délégation russe a notamment multiplié les prises de parole sur des points de procédure jeudi et les projets d’amendements vendredi afin de ralentir les débats.

« Nous serions prêts à accueillir favorablement la volonté de Washington » de rejoindre l’UNESCO, mais « nous pensons qu’on essaie de nous emmener dans un monde parallèle, qui dépasse vraiment toutes les descriptions absurdes des livres de Lewis Carroll », a tonné vendredi un diplomate russe.

« Dans cet espace déformé, ceux qui défendent la démocratie et la primauté du droit commencent à nous entraîner vers une violation de ces règles et à s’arroger des droits privilégiés », a-t-il poursuivi, estimant que les États-Unis doivent payer intégralement leurs arriérés à l’UNESCO avant de pouvoir la rejoindre, quand Washington propose de le faire progressivement.

« La manière dont les États-Unis ont demandé ce retour n’est pas acceptable » et s’apparente à « une violation de l’esprit de la Constitution » de cette institution, a de son côté fustigé un diplomate iranien.

Washington avait quitté l’UNESCO en octobre 2017 en dénonçant les « partis pris anti-israéliens persistants » de cette institution. Ce retrait, accompagné de celui d’Israël, était effectif depuis décembre 2018.

Vote chinois contre

Depuis 2011, et l’admission de la Palestine au sein de l’UNESCO, les États-Unis, dirigés alors par Barack Obama, avaient stoppé tout financement à l’organisation onusienne, un énorme coup d’arrêt pour celle-ci, alors que les contributions américaines représentaient 22 % de son budget.

Washington a proposé début juin, dans un courrier à Audrey Azoulay, « un plan » pour leur retour au sein de l’organisation onusienne pour l’éducation, la culture et la science, « dont la mission n’a fait qu’accroître en importance ».

Une décision s’inscrivant dans un contexte général de la rivalité croissante avec la Chine, alors que Pékin souhaite transformer l’ordre multilatéral international mis en place après la Seconde Guerre mondiale, dont l’UNESCO est une émanation.

En mars, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken avait ainsi estimé que l’absence américaine permettait à la Chine de peser davantage que les États-Unis sur les règles de l’intelligence artificielle (IA), quand l’UNESCO a produit une recommandation sur l’éthique de l’IA dès 2021.

« Je crois vraiment que nous devrions revenir à l’UNESCO, pas pour faire un cadeau à l’UNESCO, mais parce que les choses qui se passent à l’UNESCO ont de l’importance », avait-il déclaré.

Pékin, qui avait initialement assuré ne pas s’opposer au retour des États-Unis, et dont les relations avec Washington connaissent un léger mieux, a finalement voté contre à l’UNESCO.

La dette américaine auprès de cette organisation onusienne dédiée à la culture, aux sciences et à l’éducation, contractée entre 2011 et 2018, atteint aujourd’hui 619 millions de dollars, soit davantage que le budget annuel de l’UNESCO, évalué à 534 millions de dollars.

Les États-Unis ont indiqué avoir demandé au Congrès américain de décaisser 150 millions de dollars pour l’année fiscale 2024, un montant équivalent devant être déboursé les années suivantes « jusqu’à résorption » des arriérés à l’UNESCO.  

Ils avaient déjà quitté l’UNESCO en 1984, sous Ronald Reagan, invoquant l’inutilité supposée et les débordements budgétaires de l’organisation qu’ils avaient ensuite réintégrée en octobre 2003.

« Les États-Unis se sont déjà retirés deux fois de l’organisation. Nous ne savons pas combien de fois encore nous devrons les “ accueillir favorablement ” », a ironisé un diplomate nord-coréen, opposé à l’emploi de cette terminologie dans la résolution onusienne.