Conseiller à la sécurité nationale et secrétaire d’État des États-Unis sous les présidents Richard Nixon et Gerald Ford, le diplomate et politologue Henry Kissinger aura 100 ans samedi. Retour sur la vie de cette figure dominante dans l’histoire politique du XXe siècle et dont l’héritage ne fait pas l’unanimité.

Fuir l’Allemagne nazie

PHOTO MAISON-BLANCHE, FOURNIE PAR LE NEW YORK TIMES

Le secrétaire d’État Henry Kissinger et le président Richard Nixon à la Maison-Blanche. La photo est non datée.

Heinz Alfred (Henry) Kissinger est né le 27 mai 1923 à Fürth, en Allemagne. De confession juive, harassée par les nazis, la famille quitte l’Allemagne en 1938 et trouve refuge aux États-Unis. Le 19 juin 1943, alors qu’il suit l’entraînement de base dans l’armée américaine, Henry Kissinger prend la citoyenneté américaine. Envoyé en Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est chargé de retrouver des membres de la Gestapo. De retour aux États-Unis, il entre à l’Université Harvard d’où il ressort avec un baccalauréat (1950), une maîtrise (1951) et un doctorat (1954).

En politique

PHOTO DAVID HUME KENNERLY, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Le secrétaire d’État Henry Kissinger discute avec le président Gerald Ford dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche, en avril 1975.

Après une carrière universitaire, Kissinger se tourne vers la politique. Il est conseiller du candidat républicain Nelson Rockefeller durant les années 1960 et se rapproche de Richard Nixon quand ce dernier est choisi candidat du Parti républicain à l’élection présidentielle de 1968. Lorsque Nixon est assermenté 37e président des États-Unis le 20 janvier 1969, Kissinger devient conseiller à la sécurité nationale. Le 22 septembre 1973, Nixon nomme Kissinger secrétaire d’État, l’équivalent d’un ministre des Affaires étrangères. Il occupera aussi ce poste sous Gerald Ford.

Realpolitik et détente

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Moment historique que cette poignée de main entre le président américain Richard Nixon et le leader chinois Mao Zedong à Pékin, en février 1972

Adepte de realpolitik, principe par lequel une politique étrangère se définit davantage par les rapports de force, le possible et l’efficacité plutôt que les doctrines, Kissinger influence le président Nixon sur la voie de la détente avec l’URSS. Quant au célèbre voyage de Nixon en Chine rouge (21-28 février 1972), il est précédé par des rencontres secrètes de Kissinger à Pékin. « Il a été extrêmement habile dans ce dossier, surtout en considérant le président pour lequel il travaillait, dit Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand. Avant d’être président, Nixon avait bâti une énorme partie de sa carrière politique sur son opposition au communisme. »

Controverses

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président Nixon rencontre Henry Kissinger (à gauche) et le major général Alexander Haig, conseiller adjoint à la sécurité nationale, le 13 novembre 1972 à Camp David, pour discuter de la situation au Viêtnam.

Par ailleurs, le nom de Kissinger est associé à d’énormes controverses, dont l’appui des États-Unis au coup d’État du 11 septembre 1973 mené par le général Augusto Pinochet au Chili. Mais surtout, Kissinger a eu beaucoup d’influence sur des décisions de Nixon durant la guerre du Viêtnam. « Cela inclut les bombardements illégaux commis au Cambodge. Kissinger était aux premières loges de cela », estime Rafael Jacob. Le 10 octobre 2015, le magazine Politico a publié un article dans lequel dix historiens exprimaient des opinions, très variées, sur l’héritage de l’ancien secrétaire d’État. Si certains le portent aux nues, d’autres le descendent en flammes.

Lisez l’article de Politico (en anglais)

Et aujourd’hui

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Henry Kissinger à son arrivée au Forum économique international des Amériques, le 11 juin 2008, à l’hôtel Hilton Bonaventure de Montréal

Kissinger a quitté la Maison-Blanche le 20 janvier 1977 avec la prestation de serment du président démocrate Jimmy Carter. Mais il est toujours resté dans l’orbite de la politique washingtonienne. « Il est demeuré une sorte d’éminence grise dans l’espace public, estime Rafael Jacob. Il est difficile de trouver un seul autre diplomate qui, dans les 30 ou 40 dernières années, s’est fait donner autant de tribunes et de crédibilité, notamment par les grands médias américains et par l’establishment, dans les deux grands partis. » Au début de 2023, Kissinger intervenait toujours dans la sphère publique en s’exprimant, par visioconférence, sur la guerre en Ukraine, lors d’un échange au Forum économique mondial de Davos.