(New York) Donald Trump n’a pas fini d’être jugé pour la vidéo dans laquelle il s’est vanté de pouvoir embrasser les femmes et empoigner leur sexe sans leur consentement.

En novembre 2016, il a certes survécu au verdict de l’électorat américain, qui l’a élu à la présidence des États-Unis en dépit de ses propos misogynes et incriminants. Or, en mai 2023, il doit faire face à un autre jury, composé de neuf New-Yorkais, qui sera peut-être moins tolérant que le premier vis-à-vis de la même vidéo et du même homme, qui est de nouveau candidat à la présidence pour 2024.

C’est du moins l’espoir de l’avocate principale de l’autrice E. Jean Carroll, qui accuse Donald Trump de l’avoir violée en 1996 et diffamée en 2022. Lundi, lors de sa plaidoirie finale, Roberta Kaplan est revenue sur la vidéo de l’émission Access Hollywood et la réaction qu’elle a produite chez l’ancien président lors d’une déposition en octobre dernier.

« Dans un sens réel, Donald Trump est un témoin contre lui-même », a déclaré l’avocate au sujet du défendeur, qui a brillé par son absence tout au long des deux semaines du procès civil tenu à New York.

Roberta Kaplan a rappelé que Donald Trump n’avait pas profité de sa déposition pour rétracter ses propos entendus dans la vidéo remontant à septembre 2005 et diffusée pour la première fois en octobre 2016.

Au contraire, a-t-elle souligné, l’ex-président a déclaré sous serment que les « stars » se comportaient de la sorte avec les femmes depuis des temps immémoriaux, « malheureusement ou heureusement ».

« Il a vraiment dit heureusement ! », s’est exclamée Roberta Kaplan sur un ton incrédule, en s’adressant aux six hommes et aux trois femmes du jury qui commenceront leurs délibérations mardi matin après avoir reçu les directives du juge.

Donald Trump pense que les “stars” comme lui peuvent s’en sortir. Et il pense s’en tirer ici.

Roberta Kaplan, avocate principale d’E. Jean Carroll

En faisant allusion au viol présumé d’E. Jean Carroll dans une cabine d’essayage du magasin Bergdorf Goodman, l’avocate a ajouté, en décrivant une partie des faits reprochés à Donald Trump : « Il l’a attrapée par la chatte – ou le vagin, excusez mon langage – et a enfoncé ses doigts en elle. »

L’avocate a rappelé qu’E. Jean Carroll n’avait pas été la seule femme à avoir accusé Donald Trump d’agression ou d’inconduite sexuelle. Dans sa plaidoirie finale, elle a fait allusion aux deux femmes qui ont témoigné à ce sujet pendant le procès : Jessica Leeds, femme d’affaires à la retraite, et Natasha Stoynoff, ex-journaliste du magazine People.

Roberta Kaplan a affirmé que Donald Trump avait utilisé avec ces femmes la même stratégie qu’il a évoquée dans la vidéo d’Access Hollywood.

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Donald Trump

« Il vous dit dans ses propres mots comment il traite les femmes », a-t-elle lancé au jury, dont les membres sont restés impassibles tout au long des plaidoiries finales.

« Ces deux choses peuvent être vraies »

Joseph Tacopina, l’avocat de Donald Trump, n’a pas cherché à défendre les propos de son client concernant la façon dont les « stars » se comportent avec les femmes, les qualifiant de « grossiers ». Mais la vidéo d’Access Hollywood est une distraction, a-t-il fait valoir.

« Vous pouvez penser que Donald Trump est une personne impolie et grossière et que [l’histoire d’E. Jean Carroll] n’a aucun sens. Ces deux choses peuvent être vraies. »

Au bout du compte, Donald Trump ne se sera pas présenté à la barre, et ce, même si le juge Lewis Kaplan lui avait donné jusqu’à 17 h dimanche pour revenir sur sa décision de ne pas témoigner. Ainsi, à part ses avocats, personne ne s’est pointé devant le jury pour défendre l’ancien président, un fait que Joe Tacopina a attribué à la confusion d’E. Jean Carroll quant à la date du viol allégué.

« Ils ne veulent pas préciser la période parce qu’ils ne veulent pas que Donald Trump présente un alibi ou un témoin », a déclaré l’avocat de l’ancien président.

L’avocat a consacré une bonne partie de sa plaidoirie finale à discréditer les témoignages d’E. Jean Carroll et de ses deux amies – Carol Martin et Lisa Birnbach – auxquelles l’ex-chroniqueuse du magazine Elle s’est confiée immédiatement après le viol présumé.

« Toute cette histoire est manifestement une œuvre de fiction invraisemblable », a déclaré l’avocat, qui a accusé la demandeuse de vouloir s’enrichir sur le dos de Donald Trump et de nuire à sa carrière politique.

E. Jean Carroll, ex-Miss Indiana et journaliste pionnière à New York, a accusé Donald Trump de l’avoir violée dans un livre publié en 2019. En octobre 2022, le 45président a traité Carroll de « menteuse » et qualifié son accusation de « canular » et d’« escroquerie totale » sur Truth Social. Il a également répété qu’elle n’était « pas son genre ».

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L’avocate Roberta Kaplan et la plaignante E. Jean Carroll, le 27 avril dernier

Le jury doit déterminer si Donald Trump a violé et diffamé E. Jean Carroll et, le cas échéant, quels dommages-intérêts l’ancien président doit verser à l’autrice.

« Pour E. Jean Carroll, ce procès n’a rien à voir avec l’argent », a déclaré Roberta Kaplan aux jurés lors de sa plaidoirie finale. « Je ne vais pas me tenir ici et vous dire combien vous devriez accorder à E. Jean Carroll en dommages et intérêts. Quel est le prix à payer pour des décennies de vie en solitaire, sans compagnie ? Personne avec qui préparer le dîner, personne avec qui promener le chien, personne avec qui regarder la télévision. Et le sentiment, pendant des décennies, d’être sale et indigne. Je ne vais pas mettre un chiffre là-dessus. »

L’histoire jusqu’ici

Juin 2019

E. Jean Carroll publie dans le magazine New York un extrait de ses mémoires, intitulés What Do We Need Men For ?, où elle accuse Donald Trump de l’avoir violée au milieu des années 1990.

Novembre 2019

Carroll poursuit Trump pour diffamation (la poursuite civile pour voie de fait liée au viol présumé suivra en septembre 2022).

Octobre 2022

Trump répète ses démentis sur Truth Social, qualifiant Carroll de « menteuse » et son accusation de « canular ». Il répète aussi qu’elle n’est « pas son genre ».

Avril 2023

Début de la sélection du jury et ouverture du procès devant le juge Lewis Kaplan du tribunal fédéral de New York.