Les personnes qui se déplacent à pied en Californie peuvent traverser une rue libre sans craindre de recevoir un constat d’infraction, mettant fin à un siècle de répression qui a coïncidé avec la mise en marché de l’automobile

Traverser la rue

Un piéton qui traverse la rue lorsque la voie est libre ne s’exposera plus à recevoir de constat d’infraction en Californie. C’est ce qu’affirme une loi intitulée Freedom to Walk Act, adoptée par l’Assemblée de l’État de Californie et signée par le gouverneur Gavin Newsom en octobre dernier. Elle entre en vigueur le 1er janvier 2023. La loi dit que les policiers ne doivent pas remettre de constat d’infraction à un piéton qui traverse la rue entre deux intersections ou lorsque le feu piéton l’interdit, « à moins qu’il existe un danger immédiat de collision avec un véhicule en mouvement ou un autre dispositif se déplaçant exclusivement par la force humaine », comme un vélo.

Techniquement illégal

Comme la loi introduit la notion de « danger imminent », il est toujours techniquement illégal de traverser la rue en certaines circonstances. « Mais nous demandons aux forces de l’ordre de ne pas donner de contraventions aux gens, sauf s’il y a un danger immédiat », a expliqué le membre de l’Assemblée Phil Ting, l’un des auteurs du projet de loi, au média local LAist en octobre. La traversée hors des passages réservés était devenue illégale à Los Angeles au milieu des années 1920, alors que les constructeurs automobiles faisaient pression pour que la voie publique, jusque-là partagée par tous, soit uniquement réservée et aménagée en fonction des besoins des nouveaux conducteurs. Depuis, les lois contre la traversée illégale ont été reprises aux États-Unis et ailleurs.

Disparités ethniques

L’abolition de la traversée illégale en Californie trouve son origine dans la disparité raciale des personnes à qui on remettait des contraventions. En effet, à Los Angeles, 32 % des personnes citées par la police municipale pour de la traversée illégale entre 2010 et 2020 étaient noires, un groupe ethnique qui ne représente pourtant que 9 % de la population de la ville, selon les données de la Ville de Los Angeles. Selon les militants, les policiers utilisaient les lois sur les piétons comme prétexte pour arrêter et interroger des citoyens en fonction de la couleur de leur peau.

7786 constats à Montréal

À Montréal, les constats d’infraction remis aux piétons sont en légère baisse depuis le début de la pandémie. Dans son plus récent rapport d’activité, le SPVM note avoir remis 7786 constats d’infraction à des piétons en 2021, contre 8761 l’année précédente. Quelle proportion des constats a été remise à des membres d’une minorité visible ? Impossible de le savoir. « En réponse à votre demande, l’origine ethnique d’un piéton n’est pas une information qui figure sur le constat d’infraction », note la division des communications et relations médias du SPVM.

Légal au Québec

Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec, note que connaître l’origine ethnique des personnes citées serait un outil utile pour connaître l’état de la situation. « On ne fait pas ce travail-là au Québec, on ne récolte pas les renseignements sur l’ethnicité quand on donne des contraventions. C’est problématique, parce qu’ensuite on ne peut pas savoir si c’est utilisé pour faire du profilage racial. » Elle note que, depuis 2018, il est permis au Québec de traverser un axe routier entre deux intersections si la voie est libre, sans crainte de recevoir un constat d’infraction. « Le Code de la sécurité routière le permet désormais », dit-elle.