En fin de journée, dimanche, la Russie a servi un ultimatum aux soldats ukrainiens défendant la ville de Marioupol, ville portuaire de l’est du pays. D’ici 5 h du matin, lundi, ils devaient avoir rendu les armes et levé un drapeau blanc. S’ils y consentent, ils auront la voie libre pour évacuer la ville en toute sécurité. Et si c’est non ? La Russie n’a pas précisé quelles en seraient les conséquences.

Et ç’a été non.

Ce que la Russie a qualifié d’« offre humanitaire » a été relayé dimanche par le colonel Mikhail Mizintsev. La réplique est venue d’Iryna Vereshchuk, vice-première ministre de l’Ukraine. « Il ne peut être question de capitulation ni de baisser les armes. » C’est là de la « manipulation », a-t-elle ajouté.

Que reste-t-il de Marioupol ? C’est une ville « qui n’existe plus », a lancé à l’Associated Press Marina Galla, qui vient de la fuir.

Marioupol, c’est une ville qui s’ajoutera à Guernica, Stalingrad, Grozny et Alep sur la liste de celles « qui ont été complètement détruites par la guerre », estime Manolis Androulakis, consul général de Grèce, qui vient d’en partir après avoir évacué les ressortissants de son pays.

Plus d’un Ukrainien sur quatre a désormais fui, selon le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi. Dix millions d’Ukrainiens ont tout laissé derrière eux.

Dimanche, une école de Marioupol qui aurait abrité quelque 400 personnes a été bombardée, « un acte de terreur » dénoncé par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

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Habitants de Marioupol dans un abri antibombes

Pilonné depuis des semaines et souffrant de pénurie d’eau, de gaz et d’électricité, Marioupol a vu son usine sidérurgique et métallurgique Azovstal, l’une des plus grandes d’Europe, être fortement endommagée, dimanche.

« Les pertes économiques pour l’Ukraine sont immenses », a commenté sur Twitter la députée Lesia Vasylenko.

Rare bonne nouvelle, un groupe de 19 enfants, pour la plupart des orphelins âgés de 4 à 17 ans, a été évacué vers les régions prorusses de l’est du pays, a indiqué l’Agence France-Presse. Pendant environ deux semaines, ils auraient vécu dans les sous-sols gelés d’un sanatorium.

« Catastrophe humanitaire absolue »

Dans le nord du pays, le maire de Tchernihiv, Vladislav Atroshenko, a dépeint une « catastrophe humanitaire absolue » dans sa ville. « Les tirs d’artillerie indiscriminés dans les quartiers résidentiels se poursuivent, des dizaines de civils sont tués, des enfants et des femmes », a-t-il raconté à la télévision.

À Kyiv, un obus a explosé dimanche juste devant un immeuble d’habitation de dix étages, blessant au moins cinq personnes, dont deux ont été hospitalisées, a annoncé le maire Vitali Klitschko.

À une quinzaine de kilomètres de la capitale, à Hostomel, les journalistes du New York Times ont obtenu la vidéo d’un assaut russe dans un immeuble résidentiel où environ 200 personnes ont été prises en otage par des soldats russes. « J’ai écrit à ma fille. Je lui ai fait mes adieux », a raconté Lesya Borodyuk, une résidante de l’endroit âgée de 49 ans qui ne croyait pas s’en tirer vivante.

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Des résidants de Kyiv attendent l’autorisation des policiers pour pouvoir rentrer récupérer des effets personnels dans leur immeuble touché par un bombardement dimanche.

Malgré tout cela, les autorités ukrainiennes ont cependant fait état d’une certaine accalmie dimanche.

« Le front est pratiquement figé », il n’y a « pratiquement pas eu de tirs de missiles sur les villes », et « l’aviation russe n’est quasiment pas active », il y a juste des « actions tactiques » des deux camps, a déclaré lors d’un briefing à la mi-journée Oleksiy Arestovitch, conseiller de la présidence ukrainienne.

Combien de victimes depuis le début de la guerre ? Impossible de l’établir, mais les reportages des correspondants de guerre et les images de dépouilles dans les rues de villes ukrainiennes font craindre un très lourd bilan.

Sur l’internet, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, s’est risqué à une estimation des pertes humaines russes, affirmant que 14 000 soldats avaient déjà péri depuis le début de l’invasion, que leurs cadavres jonchent les champs de bataille et qu’ils ne sont pas ramassés. « Je veux demander aux citoyens de Russie : qu’est-ce qu’on vous a fait pendant des années pour que vous cessiez de remarquer vos pertes ? »

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Des résidants de Marioupol creusent une tombe en pleine ville pour leurs compatriotes victimes de la guerre.

Dans un entretien diffusé dimanche sur CNN, Volodymyr Zelensky s’est dit prêt à négocier avec Vladimir Poutine, tout en établissant ses limites dans le même souffle.

Je suis prêt depuis les deux dernières années. S’il existe seulement 1 % de chance d’arrêter cette guerre, nous devons la saisir.

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine

Mais c’est seulement entre Poutine et lui que ça peut se régler, à son avis. « Peu importe les discussions entre nos équipes de négociateurs, je pense que seuls nous deux, moi et Poutine, pouvons parvenir à un accord. »

Mais pas question pour lui de reconnaître des territoires séparatistes de l’est du pays comme républiques indépendantes.

« Je ne peux pas [les] reconnaître, d’abord comme président, puis en tant que citoyen, et troisièmement parce qu’on ne peut pas forcer les gens à aimer leurs ennemis. C’est impossible », a insisté le président Zelensky.

« L’indifférence tue »

Dimanche, par Zoom, le président ukrainien a interpellé Israël. Mettant de l’avant son propre héritage juif et évoquant l’Holocauste, Volodymyr Zelensky a pressé Israël de choisir son camp, lui rappelant que l’Ukraine avait fait son choix il y a 80 ans. « Nous avons des Justes qui ont caché des juifs, il est temps pour Israël de faire son choix […] L’indifférence tue, les calculs tuent », a déclaré M. Zelensky, dans une allocution en ukrainien traduite en hébreu.

« On peut se demander pourquoi nous ne pouvons pas recevoir des armes de votre part et pourquoi Israël n’a pas imposé de sanctions sérieuses contre la Russie », a-t-il ajouté.

Du côté de Pékin, l’ambassadeur de Chine aux États-Unis, Qin Gang, a nié fermement à la chaîne CBS que son pays aidait la Russie dans son offensive en Ukraine.

« Il y a de la désinformation selon laquelle la Chine procure une assistance militaire à la Russie. Nous la rejetons », a déclaré Qin Gang, interviewé par la chaîne CBS.

« La Chine envoie des vivres, des médicaments, des sacs de couchage et du lait en poudre, pas des armes ou des munitions à destination des parties [au conflit], a-t-il poursuivi. Nous ferons tout ce qui est possible en vue d’une désescalade. »

Avec l’Associated Press et l’Agence France-Presse